Guernesey, 24 mai 1857, dimanche après-midi 3 h
Depuis que je t’ai dédié ma tapisserie, mon cher adoré, j’ai hâte de la finir et je voudrais pouvoir y travailler jour et nuit. Malheureusement mes yeux ne s’y prêtent pas beaucoup et mon savoir-faire n’est pas à la hauteur de mon amour qui aspire à te plaire en toute chose mais enfin j’espère que la bonne volonté me sera comptée comme pour un chef-d’œuvre et que tu accueilleras avec indulgence mes pauvres zigzags plus ou moins réussis. En attendant, je m’épêche de te donner mon cœur en trois coups de plume ; puis si je peux me tenir sur mes pattes ce soir nous ferons une petite promenade après notre dîner.
En règle générale, je n’aime pas à sortir le dimanche dans le jour à cause des bourgeois en congé, mais le soir tous les guernesiais sont gris et nous pouvons sans inconvénients nous confondre avec eux . [À ce soir ?] donc, si ma podagrerie [1] ne s’y oppose pas, à la promenade, et à tout à l’heure pour vous baiser à plate couture. Prenez garde à vous.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 91
Transcription d’André Maget assisté de Florence Naugrette