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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 27 février [18]72, mardi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour et bonne nouvelle aussi, car j’ai devant les yeux, collée à ton mur, l’affiche du Rappel de couleur verte comme le manteau de Ruy Blas. Ce commencement de réapparition de cet admirable et vaillant journal [1] me fait du bien aux yeux et au cœur comme une espérance d’une vie meilleure pour la France et pour nous. En attendant, je continue à payer mon tribut au guignon car ma pauvre Henriette est encore plus défigurée et plus souffrante qu’hier et ne peut faire aucun service aujourd’hui. Tout cela m’afflige, m’inquiète et me fatigue au-delà de mon courage et de mes forces et j’arrive le soir à un épuisement complet et presque hébétée et malade. Tu ne t’en aperçois que trop hélas dès qu’arrive la fin de la soirée. Si tu pouvais, sans désobligeance pour tes hôtes, faire qu’ils soient partis à onze heures, au moins pendant le temps de la maladie d’Henriette, tu me rendrais un véritable service à moi et à Suzanne qui, elle aussi, est bien fatiguée. Je te dis cela ici parce que nous ne nous voyons jamais dans la journée. Mais me voici au bout de mon papier et j’ai encore tout mon cœur à te dire.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 54
Transcription de Guy Rosa


Paris, 27 février [18]72, mardi matin, 10 h. ½

Je profite de l’occasion de Mariette, mon grand petit homme, pour t’envoyer mon gribouillis de rabiot d’hier en même temps que pour te gronder de n’avoir pas bien dormi cette nuit. Ceci est une infraction à nos conventions que tu te permets trop souvent et qui finira par me fâcher tout rouge si tu continuais ; c’est bien le moins que je sois tranquille de ce côté-là et que je me repose et me réconforte en toi mon bien-aimé, ma vie, mon âme. En attendant je retrempe mon courage dans le souvenir des adorables et poignants vers sur Jeanne que tu nous as lus hier [2]. Les larmes me reviennent aux yeux en y songeant. Quant aux rugissements de lion que tu adresses à sa majesté très prussienne c’est formidablement insolent et dédaigneux et très amusant. En t’écoutant je retrouvais mes forces et je ne sentais plus ma fatigue ni aucune de mes infirmités. Malheureusement tout a une fin et le bonheur ne s’arrête jamais longtemps sur le même cœur. C’est pourquoi j’ai déjà repris mon train-train de misère et de lassitude. Mais je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 55
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1Il reparaît le 29.

[2S’il s’agit de « Ma Jeanne, dont je suis doucement insensé... » (L’Art d’être grand-père, VI, 5) ou de BruxellesNuit du 27 mai (ibid., XI), il faut réviser la datation conjecturée de ces poèmes.

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