Guernesey, 23 janvier 1857, vendredi soir, 7 h. ½
Mon diable de cœur ne veut pas se tenir tranquille tant que je ne l’ai pas trempé dans la restitus et que je ne l’ai pas barbouillé d’encre. C’est pour cela que, malgré l’heure avancée et bien d’autres meilleures raisons encore, je me précipite à corps perdu dans le jabotage [1], les cancans et les horreurs ! D’abord vous saurez que je fais prendre des informations partout et ailleurs et que les plus splendides bibelots sont déjà en route pour moi [2]. Crevez dans votre peau si vous voulez, moi je m’enferme dans mes coffres-forts de leur droit de m’appartenir. Du reste je vous dirai que j’ai vu de très belles moquettesa ou droguets [3] chez Bishop, malheureusement les prix n’étaient pas dessus. Il y a entre autresb une pièce de tapis semée de fleursc de lys or et bleu qui ferait un effet charmant autre part que chez des démagogues enragés comme nous. Mais ce n’est pas tout cela, je vous aime, entendez-vous, et je n’ai pas de plus grande joie que de vous le dire comme je n’ai pas de plus grand bonheur que de vous le prouver. Oui, mon cher petit homme, je t’aime et toute mon âme rayonne dès que tu parais dans ma maison. Voilà tantôt 24 ans que tu es mon amour lumineux et sublime… te voilà, mon Dieu je vous bénis.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 20
Transcription de Chantal Brière
a) Juliette emploie l’expression au singulier.
b) « entr’autre ».
c) « fleur ».