Guernesey, 25 septembre 1861, mercredi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, je t’aime. Je voudrais pouvoir te dire autre chose mais c’est la seule idée présente à mon esprit, à mon cœur et à mon âme. Hors de là je ne pense rien, je ne sens rien, je ne veux rien. J’espère que tu vas bien, mon pauvre petit homme, et que tu as bien dormi cette nuit ? Quant à moi, je vais bien, très bien, trop bien pour ce que je vaux. Ah ! te voilà sur ton toit… je n’ai pas eu le temps de te faire signe que tu étais déjà rentré dans l’intérieur. Ce sera pour une autre fois. Il me semble que tu fais une imprudence en mettant tes couvertures et ta literie à l’air par ce temps de bourrasquesa, de tourmentes et de pluie. Le moins qu’il puisse arriver à toutes ces Zardes c’est d’être imprégnées de brume. Je sais bien que tu vois toutes ces choses de plus haut que moi mais ce n’est pas toujours une raison pour que vous ayez raison. Quant à moi, à part une fenêtre timidement ouverte, je me tiens à l’abri de toutes les éventualités de ce temps variable et capricieux.
Cher adoré, nous venons d’échanger nos bons petits signaux et j’en suis toute émue comme si c’était la première fois. Je te renvoie de nouveau tous mes baisers et tout mon cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16382, f. 106
Transcription de Florence Naugrette
a) « bourasques ».