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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 14 septembre [1861], samedi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour entre deux rayons de soleil et de pluie. Bonjour depuis mon cœur qui t’aime jusqu’à mon âme qui te bénit. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que ta santé générale est à souhait. Quant à moi je vais très bien et je compte en profiter pour me débarrasser ce soir même du second vésicatoire [1], après quoi j’enverrai promener toute la pharmacie et tous les Corbins de Guernesey. Je n’ai pas besoin de me rendre malade artificiellement sous prétexte d’incidents physiquesa de plus en plus naturels au fur à mesure qu’on avance dans la vie. Aussi c’est dit. Cette satisfaction donnée à toi et à Corbin, je reprends ma vie habituelle et je me fiche de tout ce qui pourra survenir de bobos et de pets de travers. D’ailleurs il me serait impossible de cumuler l’état intéressant de malade et d’hôtesse active et vigilante, donc je jette ce soir le dernier vésicatoire aux oreilles, j’allais dire aux orties, et je redeviens Juju comme devant. D’ailleurs, j’ai là le livre de votre cher petit Toto [2] qui m’attire et me tente et je voudrais y jeterb plusieurs coups d’œil tout de suite et séance tenante, mon cœur encore plus que ma curiosité littéraire m’y poussant de toutes ses forces. Aussi je ne crois pas que je pourrai y résister plus longtemps et puis j’ai la conviction que cette bonne et amusante lecture vaudra mieux pour mes yeux que tous les collyresc du monde. Cela étant, mon cher petit homme, je vous supplie de ne pas me contredire et de me laisser me soigner à ma guise comme je vous laisse galantiser à votre aise et philosopher éperdument avec les françaises du nord [3].
Cela dit, je vous saute au cou, ce qui est sans danger, et je vous embrasse, non pour vous étouffer, mais pour me faire plaisir à moi-même. Et puis je vous aime, je vous aime, je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16382, f. 96
Transcription de Florence Naugrette

a) « phisiques ».
b) « jetter ».
c) « colyres ».

Notes

[1Emplâtre utilisée par Juliette pour soigner ses maux oculaires.

[2Il s’agit très vraisemblablement du livre dont elle parle dans la lettre suivante.

[3à élucider.

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