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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 27 janvier 1854, vendredi après-midi, 3 h. ½

Je n’aurai pas beaucoup profité de l’entracte des Châtiments, mon pauvre petit gascon, malgré toutes tes splendides promesses. Je sais bien tout ce que tu vas me dire à ce sujet. Aussi je me trouve mille fois absurde de m’en plaindre puisqu’en somme il est toujours sous-entendu, en tout temps et en tout lieu et quelles quea soient les circonstances, que je ne puis, que je ne dois être pour toi qu’un fardeau et un ennui. Ceci une fois démontré, ce n’est pas moi qui aurais le droit de me plaindre, au contraire. Il faut même que tu sois aussi bon, aussi patient et aussi généreux que tu l’es pour ne pas m’envoyer à tous les diables ou je ne demanderais peut-être pas mieux que d’aller. Essayez-en un peu pour voir ce que cela produira pour tous les deux.
En attendant, il est probable que tu es occupé de cette stupide affaire jersiaise ; ou, ce qui serait plus agréable, à faire des dessins sur un certain album mystérieux destiné à quelque dame anonyme. Moi, pendant ce temps-là, je compte les minutes, ce qui est une noble occupation, mais peu amusante, même dans une île. Du reste, toutes ces remarques sont oiseuses et sentent leur origine. Taisez-vous, oie, taisez-vous, Juju, taisez-vous, mon âme, taisez-vous, mon cœur et laissez le Toto tranquille s’occuper et s’amuser comme il lui plaît avec ceux et celles qui le rendent heureux.
Maintenant, je te fais souvenir que tu voulais joindre la sublime lettre du mouchard Hubert à son dossier et que tu ne m’as pas rapporté le n° 3 du journal où elle resplendit comme un soleil. Et dire que vous existez encore après cette foudroyante épître : il faut avouer que les tigres et les loups démagogues ont la vie dure. Heureusement que j’ai pour reposer mes yeux de cet affreux spectacle une lettre de l’éthérée Céleste Féau doublée de la mère Triger. Cela suffit du reste pour combler le déficit énorme de mon bonheur perdu à vous attendre. Aussi, je ne me plains pas de mon sort, au contraire, et je trouve que j’ai du bénef à défaut du [benêt  ?]. Je t’insulte comme je peux. J’ai la joie et l’amour dans le cœur et toutes sortes de grincements de dents qui ne demandent qu’à se manifester en quelque chose d’hideux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 45-46
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière

a) « quelques ».

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