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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 juin [1846], mardi matin, 7 h. ¾

Bonjour mon Victor, bonjour mon ravissant bien-aimé, bonjour de toute mon âme. Tout va encore bien ici. La nuit a été bonne et la matinée paraît vouloir bien commencer. Si cette pauvre enfant pouvait prendre le dessus, nous serions bien heureux et bien contents tous. Si le bon Dieu le veut, il le peut aussi. Je le prie bien ardemment tous les jours pour cela. Il m’a fallu bien du courage hier pour te quitter avant le terme de ta course, mon cher adoré, et bien des fois je me suis retournée avec la pensée de recourir après toi et te conduire jusque chez Robelin. Si je ne l’ai pas fait c’est par le sentiment de mon devoir envers cette pauvre chère enfant et dans la crainte qu’il ne soit survenu quelque chose de mal. Du reste tout s’est très bien passé en mon absence. J’ai trouvé le médecin qui venait d’arriver et qui l’a trouvée assez bien. La nuit a été bonne, aussi je me reprends à espérer de toutes mes forces. Si on pouvait la transporter d’ici à huit jours, quel bonheur ce serait pour moi de revivre auprès de toi et de reprendre toutes ces douces habitudes d’autrefois. Seulement d’habiter ma chambre [illis.] pleine de ton doux souvenir, cela me comblera de joie et de bonheur. Si tu savais, mon Victor, combien tout ce que tu as touché, tout ce qui t’a servi, tout ce que tu as regardé m’est précieux, tu comprendrais quelle aggravationa s’ajoute à notre séparation, en vivant dans une chambre inconnue dans laquelle tu n’as pas habité, où rien n’est à toi. C’est un double exil, exil de la pensée et des souvenirs, exil de la personne, privation de tout. Je serai bien délivrée et bien heureuse de toute façon le jour où j’emmènerai ma pauvre enfant guérie. D’ici-là il faut que j’aie du courage et je ne peux en avoir qu’en te voyant et en pensant à toi.

BnF, Mss, NAF 16363, f. 139-140
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « agravation ».

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