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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 avril [1836], mardi matin, 10 h. ½a

Bonjour mon cher adoré, bonjour. Vous êtes bien méchant de n’avoir pas tenu votre promesse cette nuit. J’étais cependant très bien disposée à en profiter. Vous êtes une bête d’aimer mieux travailler que de faire autre chose de très charmant. Pauvre cher bijou bien aimé, tu avais tes pauvres yeux bien malades hier. Comment vont-ils ce matin ? Quand je pense à l’horrible tâche que tu t’es imposée pour moi, il me prend des accès de tristesse et d’adoration. Je voudrais renoncer à tout et vivre dans un grenier en contemplation de ton dévouement depuis deux ansb. Malheureusement ce ne sont que des vœux impuissants puisque tu ne me permets pas de les réaliser. Je voudrais au moins que nous fassions plus souvent usage des petites ressources qui nous restent encore et qui te donneraient le temps de reposer un peu tes pauvres yeux adorés.
J’ai reçu une lettre ce matin. Je suppose que c’est une lettre d’affaire, tu la verras d’ailleurs. Cela m’impatiente parce que je pense qu’on sait notre adresse. Au surplus, il faut bien prendre son parti sur les désagréments qu’on ne peut manquer de nous susciter. Nous ne sommes en mesure que pour cela. Quoi qu’il advienne, quoi qu’on fasse, je t’aime plus que jamais. Les torts de mon caractère, la bonté et l’indulgence avec lesquellesc tu me traites font que je suis tout amour, et tout repentir, et tout adoration devant toi.
J’ai bien des caresses à vous donner, mon cher petit homme, tâchez de ne pas venir trop tard pour qu’il n’y ait pas encombrement dans le cœur et sur les lèvres.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 348-349
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) Ces trois mots sont soulignés d’un double trait (très rarement utilisé par Juliette) et signalés d’un second double trait en marge. Il s’agit vraisemblablement d’une annotation postérieure se rapportant à la datation de la lettre.
b) Sous la date et d’une autre main : « Cette lettre est certainement très antérieure à 1842. 1835 ou 1836 ». Sans doute la lettre était-elle, par erreur, classée avec celles de l’année 1842. Le 26 avril 1836 tombe bien un mardi (comme le 26 avril 1842), ce qui n’est pas le cas du 26 avril 1835.
c) « laquelle ».


26 avril [1836], mardi soir, 8 h.

Cher bien aimé, je vous ai bien espéré et bien attendu et vous n’êtes pas venu pourtant. Vous êtes un très méchant petit homme qu’il faudra que je châtie pour vous apprendre à aimer un peu mieux que ça. J’ai travaillé jusqu’à la nuit fermée, maintenant je vais me coucher pour économiser le feu et puis je serai toute portée dans le cas où vous voudriez hasarder une petite chicause [1] en faveur de votre petite Juju.
Pauvre cher bien-aimé, tu devrais revenir bien vite ne fût-ce que pour te mettre un peu de cette eau sur ton bobo. Je profiterais de l’occasion pour épanouir ma pauvre âme et pour remplir mon cœur et mes yeux de ton image adorée. Cher petit Toto, je voudrais bien ne pas t’impatienter, d’un autre côté je ne peux pas me retenir, il faut bien que je te le dise puisque je donnerais 20 ans de ma vie pour cela. Ce long préambule a dû te mettre au fait : il s’agit de ton portrait [2]. Je n’y ai pas renoncé, je ne peux pas y renoncer, car après toi, c’est ce qui m’est le plus nécessaire pour vivre. Si tu ne trouves pas un moyen pour t’emparer du portrait pendant dix jours, il faut que toi et Châtillon vous m’en fassiez un autre d’après L’ORIGINAL lui même. Je payerai ce qu’il faudra, je te paierai tes séances, je lui paierai son tableau enfin il me faut un portrait ressemblant ou sinon je fais quelque avanie. Il me semble que j’ai trouvé le joint et que vous n’avez plus d’objections à me faire.
Mon Toto bien aimé, ne me refuse pas. Va, j’ai bien gagné depuis deux ans cette marque d’amour et d’estime que tu me donneras. Ne me refuse pas, monstre adoré, ça nous porterait malheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 350-351
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) Annotation semblable à celle de la lettre précédente : « 1835 ou 36 et non pas 1842 ».

Notes

[1On lit « chicause », dont le sens échappe, comme dans d’autres lettres de cette période « chicose ». Faut-il comprendre « chicore », qui signifie dispute, bagarre, en langage familier sinon argotique ?

[2Depuis quelques semaines, Juliette tanne Hugo pour qu’il lui offre son portrait par Châtillon.

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