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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 mai 1847

9 mai [1847], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon divin bien-aimé, bonjour et bonheur à toi. Je ne veux plus que ce qui est arrivé cette nuit se renouvelle car alors je ne te verrais plus et vraiment ce ne serait pas la peine de vivre. Il m’est impossible de ne pas éprouver des accès de somnolence à vivre seule comme je le fais, lorsque la soirée est avancée, et il est tout simple encore que je ne fasse aucun effort pour y résister jusqu’au moment où tu viendras et que j’éteigne les bougies, par prudence et par économie. Mais il est encore plus simple que tu ne m’en punisses pas en te servant de ce prétexte pour t’en aller tout de suite. Je te dis cela très sérieusement et très tendrement en te suppliant de m’écouter et de ne pas me punir de céder à un sentiment involontaire de somnolence. Pensea donc, mon pauvre adoré, que c’est le seul moment où je puisse vraiment te voir et échanger quelques douces paroles avec toi. Si tu me le prends, il ne me restera plus rien que l’ennui de ma vie solitaire et l’impatience de t’aimer à vide. Penses-y, mon Toto, et tu sentiras combien ma réclamation est juste. Avec tout cela je t’aime plus que jamais et je te désireb d’autant. Tâchec de venir me rabibocher de bonne heure de ma soirée perdue.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 106-107
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « Penses ».
b) « désires ».
c) « Tâches ».


9 mai [1847], dimanche après-midi, 2 h. ¼

Je me fais prendre patience, mon amour, en me faisant espérer que tu viendras tout à l’heure. Cependant la confiance que je m’accorde ne me rassure pas beaucoup et je voudrais que tu te fissesa solidaire de mes promesses en venant tout de suite. Je suis comme Arlequin qui se gronde et s’impatiente contre lui de ce qu’il se raconte des histoires qu’il connaît pour se désennuyerb en attendant son maître. Moi je me fais, en t’attendant, des promesses que je connais trop, hélas ! pour ne se réaliser jamais. Et je m’irrite et je m’impatiente contre moi comme si c’était ma faute.
Je m’aperçois que le diable n’y reconnaîtrait pas ses petits dans tout ce que je viens de te gribouiller mais peut-être seras-tu plus fort que lui et démêleras-[tu  ?] à travers tous ces mots, brouillés dans mes idées comme des pointes d’asperges dans des œufs, que je t’aime et que je souffre de ton absence. Voilà au reste le véritable sens de tous mes gribouillis, quelle quec soit la forme plus ou moins biscornue et saugrenue que je leur donne.
Il est probable que j’aurai Eugénie et son fils [1], Mme Triger et son fils, à dîner aujourd’hui. Si tu ne viens pas bien vite je te verrai à peine encore aujourd’hui, ce qui me sera bien triste. Tâche de venir tout de suite, laisse de côté pour un moment tes affaires si tu peux pour venir me donner la joie de te voir, de t’entendre et de te baiser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 108-109
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « fisse ».
b) « désennuier ».

Notes

[1Jules-Charles, fils non reconnu du peintre Ziegler, a dix ans.

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