Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Avril > 22

22 avril [1847], jeudi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon cher petit endormi, bonjour. Je vous baise en sourdine pour ne pas vous éveiller et je vous envoie ce que j’ai de plus doux, de plus tendre et de plus heureux dans le cœur pour vous faire de beaux rêves. Dormez bien, mon amour. Moi, pendant ce temps-là, je vais faire tous mes triquemaques pour être prête à sortir à midi. Ah ! ça qu’est-ce qu’il a donc pris à ces vieux de l’académie de se rassembler dès potron minettea ? Depuis quand mettent-ils leurs sciatiques à ce régime matinal ? Ceci m’occupe sans m’en effrayer pourtant. Pourvu que je vous voie, peu importe l’heure et le lieu et le prétexte. Donc je serai à 1 h. à Saint-Germain-l’Auxerrois. Je crains que tu ne m’y fassesb faire une bien longue station car il me paraît presque impossible que ces vieux VIEILLARDS puissent aller si vite en besogne. Enfin je serai à mon poste à heure militaire, quitte à trouver le temps bien long même dans une église. Dormez. N’est-ce pas ce soir que vous allez chez le prince de Ligne ? Mais demain, mais après-demain quels seront les CHAUMONTELS de corvée ? Vous me direz cela tantôt. En même temps, vous me donnerez un mot pour un Odéon quelconque afin d’avoir une loge pour un de ces deux jours-là. Dormez. Voici venir le beau temps et les longs jours et la saison des CULOTTES est-ce que vous ne m’en donnerez pas bientôt une petite de PRIMEUR ? Je vous avoue que je serais très FLATTÉE et très sensible à cette aimable galanterie. En attendant, dormez.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 65303 0031/0033
Transcription de Gérard Pouchain

a) « poitron minette ».
b) « fasse ».


22 avril [1847], jeudi matin, 11 h. ½

Je veux t’écrire encore une fois avant de partir, mon doux bien-aimé, afin que, si je meursa en route, tu trouves dans ce petit gribouillis une partie de mon cœur, de ma pensée et de mon âme une dernière fois.
J’espérais que tu serais venu en passant avant d’aller à l’Académie. Probablement tu ne l’auras pas pu à cause de l’heure. Je me console en pensant que je te verrai tout à l’heure. Mais voici le temps qui se gâte, ce qui ne m’empêchera pas d’aller te chercher, je te prie de le croire, mais c’est taquinant parce que peut-être m’aurais-tu faitb faire le grand tour. Enfin je me contenterai du petit, pourvu que tu m’aimes, je me résigne à tout.
Tu me diras tantôt à quelle heure tu es rentré cette nuit et si tu as pensé à moi. J’espère que tu ne mentiras pas. D’ailleurs j’ai la conviction que si tu me trompes, cela me fera mourir tout de suite, c’est ce qui me donne tant de courage et de confiance. J’ai raison, n’est-ce pas ? Il n’y a pas pour moi d’autre alternative que celle-là, ainsi je n’ai pas à me tourmenter. En attendant, je t’aime, je pense à toi, je te baise et je t’adore. Je me dépêche parce que l’heure me presse. À bientôt, mon cher bien-aimé, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 86-87
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « meure ».
b) « fais ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne