Paris, 9 février [18]77, vendredi matin, 10 h.
Bonjour, mon tout bien-aimé, je t’aime, je t’aime, je t’aime ; je ne te dis que ça mais je te le dis à cor, à cris, à cœur et à âme : Je t’aime !!!! Il fait un temps de mois de mai qui fait reverdir l’amour comme en pleine jeunesse. Quel regret que tu sois en plein travail de chefs-d’œuvres en ce moment. Nous aurions pu nous donner du soleil et du bonheur à pleins poumons et à plein cœur. Après cela c’est si bon de penser à la fête qui nous attend à l’apparition de ton livre [1] qu’on ne peut rien désirer au-delà. Si ce n’est de te voir continuer comme par le passé de produire les merveilles de l’esprit humain. J’ai envoyé tes trois lettres à Mme d’Alton, à Tourgueniev et à Banville. Tantôt je te demanderai si tu ne serais pas d’avis de remplacer à ta table dimanche la place des deux petits Koch [2] qui ne peuvent pas venir ce jour-là par Arsènea Houssaye et par son fils. Je sais qu’ils en seront très heureux et qu’ils aiment ce genre d’improvisation chez toi. Autre guitare, j’ai reçu une lettre de la mère Morvan [3] qui me mande que mon pauvre jardinier attend après ce que je lui dois pour l’année écoulée, montant à 59 F. 50 sur lesquels Mme Chenay a reçu de la vente de mon raisin 19 F. 50. J’espère qu’il te sera possible de me donner un bon à toucher sur la banque pour cette petite somme que j’enverrai aujourd’hui même à Guernesey. Il me reste encore assez de place pour ce mot : je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 41
Transcription de Guy Rosa
a) Manuscrit : « et », par anticipation.