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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 août [1846], dimanche matin, 7 h.

Mon Victor, mon amour, mon cher bien-aimé, je veux bien commencer ma journée, aussi je t’écris dès que je suis éveillée. Je t’envoie ma pensée, mon cœur, mon âme dans un baiser. Je te garde le reste pour quand tu viendras. Je désire que tu en fasses toujours autant et que tu ne donnes ce reste-là à personne qu’à moi. J’y tiens on ne peut pas plus, et si jamais vous vous permettiez d’en distraire la moindre parcelle, j’en mourrais tout bonnement. Bonjour Toto, bonjour vous, bonjour toi. Vous n’avez pas la moindre séance aujourd’hui, pas le plus petit Chaumontel. Comment ferez-vous pour ne pas me donner un pauvre petit moment de bonheur ? Hélas ! vous n’êtes jamais embarrassé pour vous dispenser de cette corvée. Je travaille est un Chaumontel bien autrement perfide que l’autre. Aussi je le redoute et je l’abomine autant et plus que la peste. Si je pouvais rayer le mot et supprimer la chose de votre vie, je le ferais, au risque de vous attraper bien fort, car il vous faudrait créer autre chose d’aussi vraisemblable et d’aussi ennuyeuxa, ce qui ne serait pas facile. Vous ne pourriez que m’aimer et me le prouver, affreuse extrémité. Taisez-vous, Monsieur, ne me chaumontelisez [1] pas davantage ou je vous [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 63-64
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieux ».


23 août, dimanche après-midi, 2 h. ½

Est-ce que tu ne vas pas bientôt venir, mon doux bien-aimé ? Est-ce que je ne verrai pas bientôt ta ravissante et noble petite figure ? Est-ce que je ne pourrai pas bientôt baiser ta chère petite bouche que j’aime tant ? Pourtant je te désire de toutes mes forces et je t’aime de toute mon âme. Cela devrait suffire pour vous attirer si vous n’étiez pas l’homme le plus occupé de France et de Navarre. Vous voyez que je suis bien confiante et que je crois que vos affaires seules sont la cause que je ne vous vois pas davantage. Mon adoré, mon Victor, ma vie, ma joie, mon âme, je t’aime et il me semble impossible que tu ne m’aimes pas. Cette confiance en ton amour, je la trouve dans mon amour même, bien plus que dans ton dévouement. Je te sais assez bon, assez noble et assez généreux pour ne pas abandonner une pauvre femme qui s’est donnée à toi, quand même tu ne l’aimerais plus. Mais je sens que je t’aime d’un amour qui n’admet pas le change et qui veut de l’amour pour de l’amour. Le jour où je serai détrompée, je mourraia. Je ne te dis pas cela légèrement, mon Victor, je le sens comme je sens que je t’aime et que tu es mon tout dans ce monde.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 65-66
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « mourerai ».

Notes

[1Néologisme formé sur Chaumontel.

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