Paris, 9 juin 1880, mercredi matin 10 h. ½
Cher bien-aimé, je te souris et je te bénis. Je sais que tu as passé une bonne nuit, je vois que le temps est beau, et je sens que je t’adore, donc, tout est bien et je remercie Dieu. Je viens de voir Lesclide et je l’ai invité à dîner ce soir. J’ai aussi vu mon cher Louis [1] qui venait de la part de son ami Paul Foucher me prier de m’intéresser à la réussite de son projet de mariage avec la plus jeune fille de Paul Meurice. Projet dont il a déjà commencé à faire part à Paul Meurice par l’entremise de Lesclide. J’ai répondu tout [de] suite que, quel que soit ma sympathie pour Paul Foucher, il m’était impossible de me départir de la règle que je me suis imposée toute ma vie de ne m’immiscera en rien aux affaires de famille de mes amis, que je serais heureuse de le savoir heureux autant qu’il le méritait, mais que je ne pouvais y contribuer en rien que par le cœur. Hélas ! pauvre garçon je pressens pour lui de ce côté-là encore bien des déceptions et des chagrins. Malheureusement on n’y peut rien que le plaindre et l’en aimer davantage [2].
J’espère que Mme Chenay aura pris le parti de partir par Cherbourg et qu’elle aura un bon passage de là à Guernesey [3]. En attendant, je la recommande à tous les saints auxquels elle croit et surtout à Saint Médard le lamentable larmoyeur [4]. Et je te baise depuis la tête jusqu’aux pieds.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 152-153
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « m’imiscer ».