Paris, 19 avril 1880, lundi matin, 7 h.
Car que faire en un lit où on ne dort pas [1] ? Se lever, c’est ce que je fais depuis plusieurs jours [2]. Quant à toi, mon cher grand homme, tu pelotes [3] assez bien toutes nuits, maintenant, il me semble, et je t’en félicite de tout mon vieux cœur. Tu sais que notre doux ami Paul Meurice m’a conféré hier le soin de te rappeler la palme académique que tu devrais/ dois demander demain, si c’est possible, à Jules Ferry pour Mounet Sully qui la désire ardemment, surtout depuis que cinq de ses camarades l’ont reçue [4]. Si c’est comme récompense dramatique, il me semble qu’il a au moins autant de droit à cette distinction que ces cinq-là [5]. Je t’en parle aujourd’hui et je t’en reparlerai probablement demain et plusieurs fois encore. Cette scie [6] diffère un peu de celles dont je me sers habituellement. Malheureusement elle s’y ajoute sans les laisser se reposer. Aujourd’hui, encore, je suis forcée de mettre sous tes yeux la note de bougie ci-jointe, en te faisant souvenir que c’est aussi jour de la blanchisseuse. Oh ! Comme je comprends l’agacement que cette fonction de scie et de cloche qui m’est dévolue, sans que je l’aie cherchée ni souhaitée, t’ennuiea et t’obsède. Sans parler, hélas ! de mes vieilles misères que tu veux bien me pardonner en reconnaissant que « ce n’est pas de ma faute ».
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 105
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « ennuies ».