Paris, 21 février 1880, samedi matin, 7 h ¾
Je crains bien, mon pauvre bien-aimé, que ma mauvaise nuit ait déteint sur la tienne, et que tu aies bien mal dormi. Heureusement que tu te rattrapesa dans ce moment-ci, ce qui diminue un peu mes remords. Les billets noirs dont on parlait hier continuentb d’affluer chez toi. Parmi ceux arrivés ce matin il en est un qui annonce la mort de Mme veuve Louis, la tante de ton neveu Léopold Hugo [1]. On doit l’enterrer demain. Elle avait quatre-vingts ans. Quand je pense que, ton neveu, dînant avec nous mercredi dernier, se réjouissait de sa bonne santé… Deo volente ! [2]
Je te porterai tantôt des vers d’André Gill pleinsc de cœur, je dois l’avouer, bien que l’homme me soit peu sympathique. Ce qui me l’est encore moins, sympathique, c’est la question d’argent entre nous qui revient tous les deux jours. C’est encore le tour aujourd’hui, et ce le sera encore après demain ; hélas ! et ainsi de suite jusqu’à épuisement de ma comptabilité en ce monde. Mais ce qui ne s’épuisera pas en ce monde, ni dans l’autre, c’est mon éternel amour.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 54
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « rattrappes ».
b) « continue ».
c) « plein ».