Paris, 22 juin [1880], mardi matin.
Cher bien-aimé, tu fais bien de dormir tout ton saoul car le temps n’est pas gai à voir ce matin ; il pleut, il fait froid, il fait triste à porter le Diable en terre, et c’est à grand peine que je parviens à me défendre contre l’envahissement d’une profonde mélancolie. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait Sénat aujourd’hui à deux heures dans les bureaux pour l’organisation de ces mêmes bureaux et la nomination des commissions mensuelles. À trois heures Séance Publique avec un sommaire à la clef composé d’un tas de projets de lois et de chemins vicinaux et enfin une première délibération sur la proposition adoptée par la chambre des Députés relativea à la Liberté de Réunions pour la célébration d’un culte religieux. E. Pelletan rapporteur. Je ne sais pas jusqu’à quel point ta présence est nécessaire pour tout cela aujourd’hui. Toi seul peut en apprécier l’importance. Il ne me reste à moi qu’à me tenir prête à tout évènement. J’ai beau me fouiller je ne trouve pas le plus petit mot pour rire si ce n’est que je t’aime à perte de raison et d’âme. Si cela doit t’inspirer quelque gaîté j’en serai ravie car pour le moment je n’ai pas d’autres jocosités au fond de mon cœur.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 169
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin
a) « relatives ».