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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 juillet [1849], mardi matin, 7 h.

Bonjour, mon doux être aimable, bonjour, mon Toto charmant, bonjour, mon adoré Victor, bonjour. La journée se prépare assez maussade, assez froide et assez triste si j’en juge par le commencement où le brouillard et le froid vous ferait croire être au mois de novembre. Il est vrai que, si au lieu d’avoir pour perspective encore une journée stérile et vide de bonheur, j’entrevoyais que tu puisses venir bientôt et me rester longtemps, je crois que, quel que soit l’aspect de l’horizon, je trouverais qu’il fait un temps charmant et je serais la plus heureuse des Juju. Malheureusement, il n’en n’est rien et tout me porte à croire que je te verrai aussi peu aujourd’hui qu’hier, ce qui me rembrunit encore davantage le ciel et le cœur. Pourtant, je ne t’accuse pas, mon adoré bien-aimé, je vais au-devant de tout ce qui peut te justifier. J’ai tant besoin de croire à ton amour que je te crée des excuses et que je vais souvent jusqu’à te plaindre du mal involontaire que me fait ton absence. Tu vois, mon bien-aimé, que je fais bien tout ce que je peux pour conserver intact mon trésor d’amour. Il te faudrait bien peu d’efforts de ton côté pour me faire croire au bonheur. Penses-y, mon petit homme, et peut-être trouveras-tu moyen de concilier tes devoirs de citoyen avec ceux, non moins sacrés, de Toto. Jusque-là, je t’aime de toutes mes forces.

Juliette

MVHP, Ms, a8254
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux


24 juillet [1849], mardi matin, 11 h.

Nous ne sommes convenus d’aucune heure, hier, mais je me tiendrai prête comme si tu devais venir me prendre à midi ½. Je comprends très bien, mon bien-aimé, que tu ne peux pas m’indiquer d’heure certaine et que je dois me tenir prête pour tous les en-cas, même ceux de t’attendre trois heures. Quand donc reviendronta les jours de loisir et les douces heures de quiétude ? Hélas ! J’ai bien peur que ce ne soit jamais, à voir la marche que suit le bonheur depuis quatre ou cinq ans. Je sais, par expérience, qu’on peut vivre sans bonheur ; mais je sens aussi que je ne pourrais pas vivre sans ton amour. Tant que tu m’aimeras, ou du moins que je le croirai, je vivrai avec courage et avec résignation. Cher adoré, je t’assomme de mes doléances, heureusement que tu es blasé sur mes tristesses et que tu n’y fais plus attention, sans cela je m’en voudrais beaucoup de te tourmenter. Si tu le permets, je vais changer de scie. Je voudrais que tu pensassesb à dire à quelqu’un de L’Événement de faire un petit article pour ce brave homme et sa Notre-Dame [1]. La pensée que je lui ai fait espérer ce bonheur me donne des remords tant que je n’aurai pas réalisé cette espérance, c’est-à-dire tant que tu n’auras pas usé de ton influence pour faire donner à ce pauvre homme cette fiche de consolation dans sa misère et dans son malheur. Cependant s’il doit y avoir un article Revue de l’exposition de l’industrie, j’aimerais mieux attendre pour qu’il y fûtc compris, à l’article entrefilet, à moins cependant que l’un n’empêche pas l’autre. Tu vois que l’ambition vient en mangeant, cher adoré. Je te sais si bon que je ne crains pas de t’ennuyer en te mettant à contribution de bontés de toutes sortes.

J.

BnF, Mss, NAF 16367, f. 211-212
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « reviendrons ».
b) « pensasse ».
c) « fût ».

Notes

[1Le 5 juillet, Juliette Drouet s’est engagée à agir en faveur de Lelion, dont la maquette de la cathédrale de Notre-Dame est présentée depuis le 4 juin 1849 à l’Exposition nationale des produits de l’agriculture et de l’industrie.

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