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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 juin 1849

21 juin [1849], jeudi matin, 5 h. ½

Avant de partir pour ce triste et pieux pèlerinage annuel [1], il faut que je retrempe mon courage et que je puise de la résignation dans ton doux souvenir, mon adoré bien aimé. Si je ne t’avais pas, qu’est-ce que je ferais sur la terre, mon Dieu ? Mais tant que tu m’aimeras, tout ce que tu voudras bien de mon amour, j’aurai le courage de vivre loin de mon pauvre ange envolé. Tout à l’heure, je serai sur la route de Saint-Mandé. Je penserai à toi pour adoucir l’amertume de mes regrets et pour me donner la confiance et l’espoir d’une meilleure vie. De ton côté, mon Victor adoré, ne m’oublie pas, prie pour moi et aime-moi. J’ai le cœur plein d’ineffables tendresses et de douloureuses pensées. Je pleure et je bénis, je souffre et je me cramponne à la vie pour t’aimer plus longtemps. Mon cœur oscille du ciel et à la terre sans oser choisir celui des deux où il aimerait mieux être tant que tout ce qu’il aime et regrette ne sera pas réuni dans la même demeure. Je ne sais ce que je t’écris mon bien aimé, j’ai la tête malade, il me semble que j’achève péniblement un affreux rêve dont ton amour est le réveil. Je te bénis, je t’aime, je t’adore. Pense à moi, plains-moi et tâche de me voir tantôt, j’en aurai bien besoin.

Juliette

MVHP, MS a8228
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine


21 juin [1849], jeudi soir, 7 h. ½

Je tâche de me persuader que tu viendras avant d’aller chez Dupin pour ne pas me laisser empoisonner par le chagrin, ce à quoi je suis trop disposée aujourd’hui. Mais peut-être eût-il été plus prudent à toi de venir en sortant de l’Assemblée parce qu’à tout prendre, tu es libre de tes mouvements tandis qu’une fois rentré chez toi, tu ne t’appartiens plus. Si tu savais, mon pauvre bien aimé, combien cette journée pèse à mon cœur depuis ce matin, tu te hâterais d’en venir soulever le poids avec moi afin qu’elle marque moins douloureusement dans ma vie. Quand je pense à mon isolement et à mon inutilité dans ce monde, je me sens prise d’un profond désespoir.
Mon pauvre bien aimé, je manque de courage et de résignation dans ce moment ci parce qu’il y a bien longtemps que je ne t’ai vu et que j’ai peur de ne pas te revoir ce soir, mais dès que je t’aurai embrassé, dès que tu m’auras dit quelques bonnes paroles de consolation et d’amour, je reprendrai ma vie avec courage. Jusque là il faut que je me laisse aller à mon chagrin contre lequel je n’ai pas la force de réagir et que tu aies l’indulgence et la bonté de me pardonner. Tâche de venir, mon Victor désiré, et pense à moi dont tu es la religion sainte.

Juliette

MVHP, MS a8229
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Juliette se rend sur la tombe de sa fille Claire Pradier, morte le 21 juin 1846, et enterrée à Saint-Mandé.

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