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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 décembre [1845], lundi matin, 10 h.

Bonjour, mon petit Toto, bonjour, mon vieux évêque, bonjour, toi, bonjour, vous, je t’aime. Je me suis reconnue dans les deux vieilles femmes surtout dans ce qu’en dit Mademoiselle Sylvanie quand elle parle de son frère : - Je suis tranquille, parce que je sais bien que s’il lui arrivait malheur, ce serait ma fin. Je m’en irais au bon Dieu avec mon roi, mon maître et mon amant [1]. Pour écrire cela, mon adoré, tu as regardé dans mon cœur. Oh oui, c’est bien vrai, mon Dieu, vous le savez. Le jour où mon Toto me manque, soit qu’il ne m’aime plus, soit qu’il lui arrive malheur, je le suivrai, je m’en irai à vous.
Comment vas-tu, mon Victor chéri ? As-tu bien dormi cette nuit ? Hier j’avais une migraine affreuse que j’attribue au bouquet de violettes que m’avait apporté Mme Guérard. Il est vrai que je n’ai pas besoin de prétexte pour ce genre d’incommodité. Ce matin j’ai la tête encore douloureuse mais j’espère que cela se passera dans la journée.
Il fait bien vilain et bien froid. Prends garde de ne pas t’enrhumer, mon petit Toto chéri, ta santé m’appartient et je ne veux pas que tu la gaspillesa. J’en suis très avare, je vous en préviens. Cher petit homme chéri, je ne veux pas que tu souffres, je ne veux pas que tu tousses, je veux que tu te portes bien, que tu m’aimes et que tu me baises.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 257-258
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu la gaspille ».


15 décembre [1845], lundi soir, 8 [h.] ½

Encore un ennui, encore des sujets de mécontentement contre ma fille, mon cher bien-aimé. Tu as pu t’en douter en voyant Mme Marre chez moi. Cependant je veux te dire tout de suite que les nouveaux griefs dont elle a à se plaindre, quoique très graves pour ses intérêts, n’ont cependant rien de commun avec les choses qui nous inquiétaient déjà. Mon Victor adoré, tu as peut-être raison quand tu dis qu’il vaut mieux que cela soit ainsi et que la perfection n’est pas de ce monde, mais je t’avoue que je trouve que ma pauvre abuse un peu trop de la latitude et du droit de l’imperfection. Enfin il faut espérer que toutes ces leçons successives lui profiteront et qu’elle reconnaîtra qu’il y a plus de profit pour elle à être bonne et soumise qu’à lutter et à être en guerre avec tout le monde. Du reste Mme Marre s’est informéea à la ville quand Claire pourrait être appelée à son tour et on lui a dit que ce ne serait pas avant trois mois [2]. Nous voilà renseigné à ce sujet, Dieu veuille qu’il ne survienne pas d’autre anicroche.
Mon Victor, mon amour, mon bien-aimé, je me réfugie plus que jamais dans ton amour. Sans toi je n’aurais pas eu un seul instant de vrai bonheur sur la terre. Tu m’as fait connaître tout ce qu’il y a de plus noble, de plus grand, de plus doux, de plus beau et de plus généreux dans le cœur humain. Sois béni, mon Victor, autant que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 259-260
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « c’est informé ».

Notes

[1Juliette cite un extrait du chapitre 9 « Le frère raconté par la sœur » du livre premier « Un juste » de la première partie « Fantine », en remplaçant « mon frère et mon évêque » par « mon roi, mon maître et mon amant » devient « mon frère et mon évêque ». Dans la version définitive, Mademoiselle Sylvanie devient Mademoiselle Baptistine.

[2Claire attend une date de convocation à l’examen d’institutrice. Elle a échoué à l’examen le 12 juin 1845. Elle le passera de nouveau en février et mars 1846, sans succès.

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