9 novembre [1845], dimanche matin, 11 h. ¾
Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon amour à moi, bonjour, toi, je t’aime. Je viens de lire la fameuse lettre [1]. J’en suis ravie. Je ne me serais pas consolée de ne l’avoir pas lue, car j’étais furieuse contre ce stupide impudent arracheur de dents. Il est bon que de pareilles outrecuidances soient châtiées comme elles le méritent, et j’avoue que Grimm a bien touché. Pour ma part, je l’en remercie cordialement. Bravo, Grimm ! Hardi, Grimm ! Fessez-moi ce grimaud jusqu’à parfaite crevaison.
Comment vas-tu toi, mon cher petit bien-aimé ? Es-tu Ri [2] ce matin ? Pauvre cher adoré doux et charmant, je t’aime. Mon cœur bat plus fort en t’écrivant ce mot : je t’aime. J’y mets toute mon âme, tous mes désirs et tout mon espoir. Je voudrais y entrer tout entière. Depuis ce matin je m’occupe de toi, je parle de toi, je pense à toi, je t’adore. Clairette marque tes chaussettes. Elle a voulu, elle aussi, lire la lettre de Grimm. J’avoue que je ne regrette pas mes 2 SOUS, AU CONTRAIRE. Tu sauras du reste que L’Époque [3] ne se VEND pas dans le quartier du Marais, mais se LOUE. J’avoue que cette fois, c’est justice et je me joins à tous les LOUEURS.......a de la lettre.
Baise-moi, je suis bête comme une oie, mais je t’aime. Je ne m’en plains pas, au contraire. Baise-moi encore et viens bien vite, je suis très pressée de te voir. À tout à l’heure Toto. Je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16361, f. 135-136
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) Sept points de suspension.