Guernesey, 6 avril 1859, mercredi, 7 h. ½ du m[atin]
Bonjour, mon bien matinal petit homme. Bonjour, c’est affaire à vous d’ouvrir vos portes et fenêtres à l’aurore AUX DOIGTS DE ROSES. Quant à moi qui n’ai pas les mêmes raisons que vous de faire des avances à cette jeune DÉESSE, j’ai ouvert mes fenêtres au soleil à six heures trois quarts, jour ou non. J’espère que votre réveil matinal signifie une bonne nuit bien rembourrée de sommeil, mon cher petit homme, et je vous en félicite à distance. Quant à moi, je suis dans une phase d’insomnie et de petites souffrances qui me rendent les nuits et les jours également désagréables. Mais tout cela passera avec le temps, il n’y a dons pas lieu de s’en occuper pour le moment. Savez-vous que vous m’avez fort rudoyée et pas mal insultée dans mon ignorance hier ? Si c’est comme cela que vous professez la PHILOSOPHIE, LA LITTÉRATURE ET LES BEAUX ARTS, LA SCIENCE ET L’INDUSTRIE, je renonce à vos cours. Je me suis bien passée de tout cela jusqu’à présent, mais il ne m’est pas démontré que je pourrais, sans danger pour mon bonheur, recevoir des leçons de vous de cette force de démonstration.
Allaie, je vous pardonne mais je n’y retournerai plus.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 90
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette