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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 avril 1844

5 avril [1844], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon petit Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, vous, bonjour, toi, comment vont tes beaux yeux ce matin ? Comment te sens-tu ce matin ? Il fait toujours bien beau mais tu ne viendras toujours pas me chercher. D’ailleurs, tu ne m’as pas dit de m’apprêter, ça fait que je ne m’apprêterai pas. Toi, pas dire [illis.] à moi, moi pas [illis.]. Il est vrai que vous avez la ressource des promenades nocturnes à m’offrir mais jusqu’à présent, je n’ai pas encore pu me décider à en profiter. Il faudra pourtant bien que je m’y décide si je ne veux pas pourrir dans mon cachot. Voime, voime, c’est très nécessaire. Ce dont vous pourrez être sûr, c’est que je ne laisserai pas ma culotte se manger aux vers. Je compte la tailler en plein drap dès que les vacances de Pâques seront passées. Vous pourrez vous fier à moi pour cela. Et pour peu que l’étoffe s’y prête, je la taillerai si longue et si large que nous pourrions en faire plusieurs vêtements du même genre [afin  ? a] d’avoir des rechanges à volonté. D’ici là, je compte les jours, et je les attends avec bien de l’impatience.
Je t’aime, mon Toto. Si tu ne le sais pas, je te l’apprends. C’est ce que j’ai de plus nouveau et de plus vieux à te dire, car avant ton amour, je n’existais pas, et après, je ne vis que pour lui. Voilà, mon petit Toto, la vraie vérité. Baisez-moi et aimez-moi. Ne me faites pas tirer une langue trop longue d’ici à ce que je vous voie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 17-18
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) On croit lire « à fin ».


5 avril [1844] vendredi après-midi, 3 h. ¼

Je vais envoyer Suzanne encore aujourd’hui chez cette pauvre Mme Pierceau [1] car demain, cela me seraa tout à fait impossible.
Tu n’es pas revenu me chercher, mon Toto, je ne m’en plains pas. Je sens bien que tu as des devoirs à remplir envers ta famille. Je te fais souvenir seulement que nous n’avons pas de papier et que voici la seconde fois que j’en fais acheter. Dabat est venu, je l’ai payé. Voilà pour aujourd’hui. Demain ce sera autre chose, et ainsi de suite jusqu’à la consommation des Jujus et des Totos. Tu as doublé bien vite le coin de ma rue tantôt pour éviter cette affreuse charrette de charbon mais moi, j’y ai perdu une seconde de bonheur. Pour vous, ce n’est rien et pour moi, c’est tout. Pour cette seconde de bonheur, combien d’heures, combien de minutes d’impatience et de tristesse ? Hélas ! Le bon Dieu et moi le savons. Ainsi, lorsque cette pauvre petite seconde, si attendue et si désirée, m’échappe, je suis toute découragée et je donnerais ma vie pour deux sous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 19-20
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « cela me serait ».

Notes

[1L’amie de Juliette est à l’agonie.

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