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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 mars 1844

28 mars [1844], jeudi matin, 9 h. ½

Bonjour mon Toto bien, bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour, bonjour je t’aime du plus profond de mon âme. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit ? Voilà un temps bien perfide pour toi. Il faut prendre garde, mon cher petit Toto, de ne pas avoir les pieds mouillés. Je voudrais que tu aies déjà ton sirop de limaçon et qu’il t’aita guéri. Cela ne peut être que très adoucissant mais je persiste à croire que tu aurais bien fait de consulter M. Louis. Enfin, tu ne l’as pas fait, j’espère toujours que ce ne sera rien mais si ce sirop ne te guérita pas tout de suite, je te supplieb de me donner la tranquillité en consultant M. Louis.
J’étais bien triste cette nuit, mon bien-aimé, en voyant que le bonheur que j’avais cru gagner dans la journée, je le reperdais le soir. J’étais toute démoralisée et je ne sais pas ce que je serais devenue si tu n’étais pas venu me donner du courage en me prouvant que ce n’était pas ta faute.
Sois béni, mon Toto adoré, pour les paroles douces et tendres que tu me dis. Elles raniment mon courage, elles me persuadent, elles me consolent et elles me font espérer. Mon Victor, mon Victor, je t’aime toujours de plus en plus et je t’aimais plein mon âme la première fois que je t’ai vu.
Pense à moi, mon cher petit, prends soin de toi et aime-moi. Moi, de mon côté, je vais te désirer et t’aimer de toutes mes forces. Tâche de venir en allant à l’Académie. En attendant ton sirop tu pourras boire encore de ta tisanec, il me semble.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 339-340
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « aie ».
b) « suplie ».
c) « tisane ».


28 mars [1844], jeudi soir, 6 h.

Si tu me tiens ta promesse, mon cher petit, et si tu ne te laisses pas engluer par quelques vieux académiciens piqués des vers, j’ai l’espoir de te voir bientôt. Mais, hélas ! rien n’est moins sûr avec la faiblesse naturelle que vous avez pour ces charmants collègues. Cependant vous avez à me rabibocher de ma soirée d’hier perdue à vous attendre dans le désert. À propos, vous savez que je suis armée pour le combat. Nous verrons si vous reculerez lâchement après avoir fait les fanfaronnardes d’usage quand la chose était impossible. Nous verrons comment vous vous tirerez de là ce soir malgré et peut-être aussi à cause de tout votre esprit.
Je vous préviens que je ne serai pas facile sur les accommodements et qu’il faudra que vous dégainiez … votre compliment. J’ai reconnu depuis trop longtemps qu’il n’y a que les honteux qui perdent. Je ne veux plus être honteuse et dès ce moment je prends des airs de Bradamante, tout ce qu’il y a de plus Bradamante [1]. Vous êtes averti, arrangez-vous. J’ai encore fait le tapissier et le serrurier aujourd’hui avec mon affreux lit qui ne tient ni à fer ni à clou et qui me tombe sur le nez chaque fois que j’en approche. Du reste, cela ne tiendra peut- être pas jusqu’à demain mais je voudrais pourtant bien attendre pour le faire arranger à fond le moment de faire enlever les tapis. J’aurai bien de la peine mais tout cela ne vaut pas la peine d’être dit. Je vous aime, c’est plus intéressant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 341-342
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

Notes

[1Personnage du Roland furieux, elle est citée comme archétype de la belle et courageuse héroïne.

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