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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 novembre [1843], samedi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon cher Toto bien-aimé, bonjour mon ravissant petit homme, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu mon doux Toto ? Voilà un temps bien vilain. Pour ma part il me rend très grinchue. Il va falloir cependant que je me secoue pour ne pas faire triste mine à cette pauvre Claire tantôt. Je vais écrire à cette pauvre Mme Pierceau, je lui ferai des compliments de ta part.
Je crains que le tour de force que tu as fait cette nuit en écrivant 27 lettres en moins de deux heures ne t’ait redonné ta douleur beaucoup plus vive qu’auparavant. Déjà tu t’en plaignais après avoir écrit. Tâche de venir d’assez bonne heure pour que toute ma journée ne se passe pas à me tourmenter inutilement. N’est-ce pas mon cher bien-aimé que tu feras tout ton possible pour venir de bonne heure ? N’est-ce pas que tu m’aimes ? N’est-ce pas que je suis ta pauvre Juju dont tu ne peux pas te passer ? J’ai besoin que tu me le dises de temps en temps pour reprendre courage, car il y a des moments, ceux où je ne te vois pas, et le nombre en est grand, où je n’ai plus le courage de vivre. Je te vois vraiment trop peu, mon adoré. Si tu es juste tu le reconnaîtras. Je n’ai pas comme toi des distractions forcées et des affections intérieures qui ne me quittent jamais. Je n’ai qu’une pauvre fille que je vois une fois tous les mois. Je suis seule, absolument seule. Je ne mets pas les pieds dans la rue. Ce n’est pas que je me plaigne de cette solitude et de cette retraite, au contraire, mais elles me laissent toute entière à mon amour et au besoin de te voir. Ce n’est pas de ta faute ne de la mienne. Aussi, je ne t’en fais pas un reproche. Je te prie, seulement, de faire tout ton possible pour me donner le plus de temps que tu pourras. En attendant, je voudrais que tu ne souffres pas.
Je baise tes beaux yeux et ta chère petite bouche. Pense à moi ! plains-moi et aime-moi. Je baise encore une fois ta ravissante petite bouche.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 13-14
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


4 novembre [1843], samedi soir, 11 h.

Je t’écris bien tard, mon adoré, mais l’amour me sort par les yeux ; par la bouche, par le cœur et par l’âme. Si je t’avais là je ferais des folies. Justement te voici !

5 novembre [1843], dimanche matin, 10 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon bien-aimé, bonjour je t’aime. Je viens d’avoir avec ma pauvre péronnelle la conversation que nous avons euea hier ensemble. J’ai voulu le lui dire tout de suite pendant que je l’avais encore toute fraîche dans la pensée. Cette pauvre fille a l’air de comprendre et surtout d’avoir confiance en toutes mes paroles. Pauvre enfant, en qui aurait-elle confiance si ce n’est en sa mère ? J’espère que cette conversation portera ses fruits et que nous n’aurons aucun tourment de ce côté-là.
Comment vas-tu, mon adoré ? As-tu donné un des sachets à ma chère petite Dédé ? Chère petite fille, je voudrais tant me rapprocher d’elle par une petite joie que je lui ferais. Je donnerais des jours de ma vie pour un sourire que je provoquerais sur ses lèvres. Voici que je dis encore mal ça mais ce n’est pas de ma faute. Je sens de très belles choses et je dis des bêtises, voilà tout. Baisez-moi Aussi pourquoi voulez-vous que j’écrive puisque vous savez que je ne le peux pas. Taisez-vous, c’est bien fait. Je ne vous plains pas, vous n’avez que ce que vous méritez. Baisez-moi et aimez-moi ou je vous fiche des coups.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 15-16
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « eu ».

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