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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 décembre [1843], jeudi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour je t’aime, je t’aime, je t’aime. N’aie pas peur de moi, mon Toto, je ne suis pas capable de faire la moindre indiscrétion sur rien de ce qui te touche. Rien de ce que tu vis n’arrive sur le bord de mes lèvres quand je parle de toi. Tout reste dans le fond de mon cœur, mon adoré, aussi sois bien tranquille de ce côté-là.
Tu as bien fait de me mener hier chez cette pauvre mère Pierceau. C’est plus que de la complaisance, c’est une bonne action. La pauvre femme est digne de toute pitié et de toute affection car elle est bien malade et c’est une noble et excellente créature. Quand tu pourras m’y conduire, pour la voir seulement, tu feras bien. C’est un peu de courage et un peu de joie qu’on lui apporte et Dieu sait si elle en a besoin.
Je crois que tu as une séance à l’Académie aujourd’hui. Tu serais bien gentil si tu venais une toute petite minute en passant. J’ai tant besoin de te voir que je cherche et que je saisis maintenant toutes les occasions qui peuvent servir mes besoins. C’est ce qui me fait te demander à sortir, mon cher amour, parce que cela te force à rester avec moi un peu plus de temps. Hier cette promenade était ravissante. La joie d’être à ton bras m’ôtait toute fatigue. J’aurais marché toute la nuit sans m’en apercevoir. C’est si bon d’être avec toi que je ne m’en lasse pas. Depuis onze ans bientôt, il me semble que c’est la première fois que je m’appuie sur ton bras, que j’entends ta douce voix et que je vois ta ravissante figure. Mon cher petit bien-aimé, c’est bien vrai tout ce que je te dis là. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Pense à moi mon cher petit bien-aimé. Aimes-moi et tâche de venir une petite goutte dans la journée. Je serai bien heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 137-138
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


7 décembre [1843], jeudi soir, 7 h. ¼

Je fais avec ma chemise blanche ce que tu fais avec tes gants neufs le premier jour où tu les mets, je prends mille précautions pour ne pas la salir ; il est vrai que cela ne me réussita guère et que j’aurais mieux fait de mettre tout de suite mon peignoir que de me montrer à moitié vêtue à vos yeux. D’abord il ne fait pas chaud et puis c’est INDECENT. Voime, voime, mon cher petit académicien, vous avez raison. Une autre fois je me collèterai jusqu’aux yeux pour ne pas vous scandaliser. Voulez-vous que je vous nettoie votre chaine arabe ? Je me jette indéfiniment à vos pieds pour obtenir cet honneur. Voime, voime, prends garde de le perdre. Je ne sais pas ce qu’il ne faudrait pas de platitudes et de bassesse de votre part pour que je consente à fourbir ce chef-d’œuvre du plus moyen des âges. Voyez si vous voulez avoir une chaine propre au prix de votre dignité d’académicien, alors, mais seulement alors, peut-être consentirai-je à la chose. Voilà mon ultimatum. Faites-en ce que vous voudrez. Cher petit bijou d’homme, je suis votre esclave soumise. Je serai trop heureuse de vous récurer, de vous [illis.] votre chaîne et tout ce que vous voudrez.
Vous êtes mon ravissant petit homme que je baise et que j’adore. Voilà ce que vous êtes. Quant à moi, je vous le répète, je ne suis que votre servante, votre esclave, votre chien, c’est-à-dire une femme qui vous aime plus que la vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 139-140
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « réussis ».

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