24 décembre [1837], après-midi, 3 h. ¼
Quelle joie, mon bien-aimé, d’avoir passé cette matinée avec toi. J’en avais bien besoin, je t’assure. J’avais pleuré hier toute la soirée, aussi étais-je très malade ce matin et je t’en demande bien pardon puisque je m’en ressentais encore dans le moment où je n’aurais dû sentir que mon bonheur. Jour mon Toto. N’oubliez pas ce que vous m’avez promis pour mes étrennes, un mantelet en peau de lapin. J’y compte. Maintenant je ne ris pas et je vous prie de redemander à Boulanger mes dessins [1] avec lesquels je veux commencer l’année 1838. Je vous promets, si vous ne me les rendez pas pour cette époque, d’être très méchante toute l’année et vous savez si je suis femme à tenir ma promesse.
Au lieu de m’habiller, je BABILLE avec vous et la mère Pierceau qui va arriver me trouvera dans le simple appareil d’une beauté qui vient de faire son feu et décrasser sa lampe, toutes choses peu poétiques en elles-mêmes. Je t’adore, toi, voilà ce qui est sûr. Je baise le dedans et le dehors de votre cher petit individu dont je suis folle.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16332, f. 204-205
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
24 décembre [1837], dimanche soir, 10 h. ¼
Vous allez avoir un fagot de lettres, mon Toto. Encore si ça pouvait vous réchauffer ce serait bon mais je crains le contraire. Est-ce que vous n’allez pas venir bientôt ? Mme Pierceau est partie. Je suis seule. Je ne peux plus parler de vous. Il faut absolument que je vous embrasse. Je ne connais que cette manière de passer mon temps et je la trouve si bonne que je suis au désespoir quand il m’en faut changer.
Soir pa, soir man. J’ai joliment dit du mal de vous ce soir. Voime, voime, pas mal encore, c’est pas vrai. Mon Dieu que je t’aime. Si je m’en croyais, je ne dirais pas autre chose. Je t’aime, je t’aime. D’abord ce serait très spirituel et très vrai, deux qualités qui se rencontrent rarement dans la conversation ordinaire.
J’ai raccommodé le Vedel [2]. Il ne lui sera rien fait ni rien dit, ainsi ne craignez rien. Votre mansuétude aura son cours.
Je t’aime dis donc. Tu penses bien que si je ne te l’ai pas dit plus tôt c’est que j’avais des nouvelles plus intéressantes à te dire. VOUS ÊTES UNE BÊTE, c’est bien vrai, mais une bête très jolie qui a les quatre pattes blanches et le nez rose. C’est très gentil. Je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16332, f. 206-207
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein