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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 février [1837], lundi après midi, 2 h.

Bonjour mon cher adoré ; vous n’êtes pas venu malgré vos promesses, vous êtes un vilain Toto, je vous aime. J’ai passé une nuit couci couça. Je ne me suis endormie que le matin fort tard et d’un mauvais sommeil encore.
Je me suis aperçuea hier en relisant tes beaux vers, que j’avais fait dans la copie une tas de fautes énormes dont je ne m’étais pas aperçuea d’abord. Je t’en avertis d’avance et je t’en demande pardon à genoux.
Mon petit Toto chéri, vous ne venez plus presque jamais me voir. C’est bien mal à vous de me donner si peu de bonheur pour tant d’amour. Vous êtes un méchant Toto à qui je fais une atroce grimace.
Il fait bien vilain aujourd’hui. S’il avait fait beau et que vous soyez venu, je vous aurais prié de me mener voir ma fille que je néglige un peu trop, je le sens bien, car on doit abuser plus au moins de cette négligence pour tous ses devoirs et toute sa personne. Il faudrait qu’avec toi j’aie le courage de vouloir et d’exiger, ce qui me paraît presque impossible. J’aime mieux te prier de m’y mener de temps en temps assez pour stimuler l’enfant et la maîtresse.
Je t’attends, mon petit Toto chéri, avec beaucoup d’amour et pas du tout de mauvaise humeur. Je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 185-186
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « apperçu ».


20 février [1837], lundi soir, 7 h. ¾

Dire que je t’aime, ce n’est pas assez, et cependant c’est le mot le plus expressif de notre pauvre langue. Mais mon cher adoré Toto je t’aime de tout mon cœur, de toute mon âme. Pardonne-moi les mouvements violents que j’ai quelquefois si injustement envers toi. Pense que ma position est une position de gêne et de contrainte pénible toute l’année et qu’il ne m’arrive de m’en impatienter que quelques fois. Mais je n’ai pas besoin de te recommander de penser à cela, toi, mon cher bien aimé, l’indulgence et la bonté même. Toi, qui m’excuse toujours et qui toujours me donne l’exemple du courage et de la résignation. Va, tu es bien mon adoré, tu es bien ce que j’admire, ce que je vénère et ce que j’aime le plus au monde.
Nous sommes sortis bien tristesa tantôt et nous sommes revenus bien bons amis et bien joyeux en regardant de bien belles choses. C’est dans ce moment-là que je sentais tout le prix de ton amour et le bonheur qui y est attaché.
Cher ange, si tu peux venir me chercher pour aller voir Crèce [1] tant mieux. Si tu ne peux pas, eh ! bien, je serai très raisonnable et très patiente. Je baise tes mains, tes cheveux, tes yeux, ta bouche et tes petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 187-188
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « triste ».

Notes

[1Lucrèce Borgia, créée en 1833 à la Porte-Saint-Martin.

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