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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 avril [1837], vendredi soir, 8 h.

Depuis je t’ai quitté, mon cher bien-aimé, ma pensée ne s’est pas détachée une seconde de toi. Je ne t’en veux pas du chagrin que tu m’as fait, il est certain qu’à ta place j’aurais eu la même injustice envers toi. Mais, mon cher adoré, je te le jure sur tout ce que j’aime et je respecte en ce monde, sur ta vie bien-aimée, je te jure que tu es aimé pieusement et saintement, qu’aucune souillure ne m’a approchéea depuis que ton pardon m’a régénérée. Enfin que veux-tu que je te dise qui porte le calme et la conviction dans ton âme ? Je t’aime, je te suis fidèle et parfaitement innocente et ignorante des malheureux hasards qui t’ont troubléb, mais ce dont je peux t’assurer, mon adoré, c’est que je les fuirai autant que je pourrai et que je mettrai toujours ma joie, mon orgueil et mon honneur à être digne de toi et de ton amour. Je viens de te dire tout cela d’une haleine et en causant bien fort tant j’avais hâte d’approcher ma pensée de [la] tienne pour la calmer et la rassurer. Sois tranquille mon Victor, sois confiant mon bien-aimé, sois heureux mon âme adorée, tu es aimé comme il faut, comme tu veux être aimé, c’est-à-dire sans partage, sans arrière-pensée et sans trahison aucune. Jour mon petit Toto, c’est un petit rayon dans notre ciel gris, reçois-le avec reconnaissance car c’est bien gentil à moi de te l’envoyer.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 97-98
Transcription de Chantal Brière

a) « approché ».
b) « troublés ».


28 avril [1837], vendredi soir, 8 h. ¼

Puisque Mme Pierceau veut bien me donner une autre feuille de papier et puisque j’ai encore dans le cœur tant de choses à te dire, j’en profite avec enthousiasme. Depuis que je me suis mise à genoux devant toi, il me semble que nos âmes se sont tranquillisées et que nous avons l’un envers l’autre la confiance qui honore et qui rend heureux. Soyons-le donc mon cher petit homme, soyons heureux autant que nous nous aimons si c’est possible, car l’amour est toujours en avance pendant que le bonheur est souvent en retard. Mais c’est plus que du bonheur, que l’amour ; c’est la flamme de l’âme, c’est le sang du cœur, c’est le passé, c’est le présent et c’est surtout l’avenir. Ce que je te dis là en mots communs et vulgaires, je le sens avec la poésie d’une âme profondément éprise. C’est très noble, très doux et très sublime le cantique que je chante au-dedans de moi devant ton image adoréea. Malheureusement je n’en peux pas mettre une seule note au-dehors sans détoner d’une manière atroce. C’est pas ma faute mais ce qui est bien ma faute et ce dont je m’accuse c’est que je t’aime toujours de plus en plus avec continuité et obstination. Je t’aime. Oui, je t’aime. Eh bien ! j’en ai bien le droit peut-être et ça ne vous regarde pas, mêlez-vous de vos affaires et laissez-vous caresser et adorer par votre vieille

Juju

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 99-100
Transcription de Chantal Brière

a) « adoré ».

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