BnF, Mss, NAF 16324, f. 217-218

Dimanche matin, 11 h.

Bonjour, mon adoré, bonjour, mon Toto, tu n’es pas venu ce matin, j’étais cependant éveillée comme une portée de souris, à l’heure où tu as coutume de venir, quand tu viens. Je ne peux pas dire que je t’ai^a aimé plus dans ce moment-là, car mon amour ne s’interrompt pas pendant mon sommeil. Je rêve sans cesse de toi, et mes rêves ne diffèrent en rien de la réalité. Je rêve que je t’aime plus que ma vie, et je sens que je t’aime au-dessus de tout, au-delà de tout.
Je viens de regarder mon petit coffret, il est très joli. Je vais aujourd’hui mettre en ordre mes chères petites archives d’amour. Ensuite, si tu ne viens pas, je travaillerai, je lirai, j’étudierai, et avant, et pendant, et après toutes ces occupations, je t’adorerai. Je vais envoyer tout à l’heure Hélène chercher votre petit cadeau, car enfin je veux vous donner quelque chose aussi, moi, quelque chose d’utile et de pas cher. Vous voyez bien, mon cher petit amoureux, que la raison et l’amour entrent^b pour beaucoup dans mes générosités.
Mon cher petit Toto, si tu ne travailles pas, viens me voir le plus tôt que tu pourras parce que ta présence me comble de joie. Si tu travailles au contraire, ne t’inquiète pas de moi, sois sûr^c que je t’attends avec amour et avec courage. Il ne faut donc pas te tourmenter à mon sujet puisque je suis comme tu désires que je sois : t’aimant de toute mon âme, te désirant de toutes mes forces et t’attendant avec patience.
À bientôt, je l’espère, mon Toto. Je te baise, je te dévore, je te chatouille, tout cela en pensées.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16324, f. 217-218
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « aie ».
b) « entre ».
c) « sûre ».