Guernesey, 17 mars 1859, jeudi, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour, mon ravissement ; bonjour, mon bonheur ineffable ; bonjour, je t’adore. Comment vas-tu, mon cher petit homme, as-tu bien passé la nuit ? Tu me diras cela tantôt, si tu n’es pas trop absorbé par le travail. En attendant, je repasse un à un tous les fous-rires d’hier et je recueille avec respect dans mon souvenir toutes les belles et grandes choses dont tu les as entremêlés. Quesnard (LUI-MÊME) humanisé, sinon spiritualisé, par les quarante francs d’Hetzel [1], riait et approuvait comme s’il avait compris. Quant à moi, j’étais heureuse de ta gaîté comme d’une diversion et un temps de repos pour ton esprit et pour ta santé. Voilà pourquoi, mon cher adoré, je tiens tant à attirer des GENS dans notre chère intimité, c’est pour te forcer à quitter ton travail surhumain de temps en temps, chose que je ne suis plus assez forte pour faire à moi toute seule maintenant. Merci, donc, à ces auxiliairesa masculins, de la bonne gaîté qu’ils ont provoquéeb en toi hier et dont j’ai pris ma bonne part. Merci, à toi, mon adoré, qui te prêtesc avec tant de douceur et de simplicité à tout ce qui peut rendre ma maison moins morose et moins solitaire. Merci à Dieu, qui permet que je puisse t’aimer et t’admirer chaque jour davantage. Je t’aime. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 71
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « auxilliaires ».
b) « provoqué ».
c) « prête ».