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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 janvier [1842], vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon toto chéri, bonjour mon cher amour bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, je t’aime. Voici ma pauvre Clarinette partie. Lanvin a apporté une note explicative comme tu la lui as demandée mais je ne l’ai pas vu (Lanvin), ni ma Claire non plus, attendu qu’ils étaient partis depuis une heure lorsque je me suis réveillée. Mais ce que j’ai vu et ce que je vois encore et que je verrai toujours, c’est ton cher petit portrait ravissant : on vient de me le rapporter de chez le bijoutier. C’est charmant, c’est admirable, quel bonheur !!! C’est le cas ou jamais de pousser ce rugissement significatif. Quel bonheur !!!!!!! Pauvre bien-aimé, c’est encore un surcroît de fatigue et de peine pour toi, mais ce sera le dernier d’ici à longtemps, ne le regrette pas à cause de la joie qu’il me donne. D’ailleurs, je vais redoubler d’économie tout le reste de ce mois-ci pour rattraper ce petit excès de dépense. Je ne sais pas au juste le prix parce que le bijoutier n’y était pas ce matin quand on est allé chercher le médaillon, mais cela ne peut pas être plus de 9 à dix francs je l’espère. Quel bonheur, mon Toto, d’avoir ton cher petit portrait si près de mon cœur car je ne le quitterai plus et j’enverrai peut-être chez Lambin aujourd’hui pour avoir le petit sachet conservateur. Je me suis ravisée en voyant que la NOCE de la petite Lambine n’était pas pour demain mais pour dans huit jours. D’ici là, on a le temps de l’occuper et de me faire faire mon médaillon petit coussin. En attendant je le porterai le jour, et la nuit je le quitterai pour ne pas l’abîmer. Si vous aviez du cœur vous viendriez le remplacer pendant ce temps-là. Ça fait que je ne serais jamais sans vous. C’est ça qui serait gentil mais vous ne le ferez pas surtout maintenant que je suis toute seule. Taisez-vous, vilain monstre. Je vous dis que vous n’êtes qu’un scélérat et pas grand-chose avec. Taisez-vous, taisez-vous, je le veux. Mon Dieu, quel froid atroce. Prends garde de t’enrhumer. Je ne sais pas pourquoi tu n’as pas emporté ton habit cette nuit ? C’est peut-être parce que tu l’as oublié. Si je pouvais te le porter, je le ferais bien vite, ce serait une fameuse occasion pour moi de voir ce que vous faites et de vous battre ou de vous baiser selon la circonstance. Mais puisque cela ne se peut pas, venez donc bien vite le chercher, mon adoré, et je vous le ouaterai de bons baisers bien doux et bien chauds, qui vous garantiront du froid. Venez vite. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 15-16
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « ouatterai ». 


7 janvier [1842], vendredi soir, 4 h. ¾

Mon amour chéri, pourquoi donc ne venez-vous pas ? Vous savez pourtant combien vous êtes attendu et désiré dans ce petit coin de chambre où j’ai le bonheur de grelotter dans ce moment-ci, attendu qu’on n’y a pas fait de feu de la journée et que les fenêtres ont été toujours ouvertes. J’ai profité du jour pour ranger mes armoires, pour serrer et pour brosser ma belle toilette d’hier. Je ne viens que de finir et me voilà sous les armes avec mon chez petit médaillon au cou. J’ai envoyé tantôt savoir le prix, c’est 10 F. tout au juste, a-t-on dit. Je n’ai pas payé, et pour cause, et même je dois un tas d’argent à Suzanne car les provisions d’hier ont dépassé de beaucoup l’argent que tu m’as donné. Cela ne m’a pas cependant empêché d’acheter une paire de draps à Penaillon aujourd’hui parce que c’est d’urgence, et aussi nécessaire que du pain. Je lui ai dit que je lui payerai dans le courant du mois. Je vais même en coudre un tout à l’heure. Aussitôt pris, aussitôt pendu, comme votre chère petite effigie que je baise dans ce moment-ci tout en vous gribouillant mon compte rendu de la journée. Mon Dieu qu’ila fait froid, j’en ai mal aux entrailles depuis ce matin. Le pauvre Jacquot est resté près du feu dans le cabinet de toilette toute la journée. Aussi n’a-t-il pas décoléré depuis ce matin. Dans ce moment-ci, il est sur ma table près du feu qui épluche ses plumes. Je vais aller tout à l’heure en faire autant car je vous avoue que j’ai l’onglée aux pieds et aux mains. Tout mon FEU s’est retiré au cœur qui BRÛLE pour vous, ce qui ne paraît pas vous toucher beaucoup. Baisez-moi, monstre, aimez-moi surtout, et venez bien vite vous chauffer à mon feu et à ma flamme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 17-18
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « qui ».

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