Paris, 12 novembre [18]77, lundi soir, 3 h.
Pauvre chère Petite Jeanne, j’espère que la voilà tout à fait hors de toutes ces vilaines crises de rougeole et de scarlatine venues par saccades à la suite les unes des autres comme il arrive souvent dans ces maladies-là. J’espère que nous allons la revoir bientôt, sinon tout à fait guérie, au moins sans souffrance. J’espère aussi que vous serez parvenus, tous tant que vous êtes, sénateurs et députés, à débarrasser la France de Mac-Mahon et de sa bande [1] avant le retour de ta chère petite bien-aimée et que nous pourrons jouir à loisir de sa rentrée bénie dans nos foyers. En attendant, je me prépare à emboîter le pas derrière toi et à ne pas te quitter d’une semelle tant que durera ce mauvais état de chose. C’est mon droit et je ne le laisserai pas péricliter par ma faute. Cela dit, je te fais penser que tu n’as pas accusé réception à Nadar de ton portrait grand, petit et moyen, ce qui doit le contrister beaucoup. Je te fais penser aussi à remercier Rochefort de son monstrueux poisson. Enfin, mon adoré, tiens, te voilà ! Quel bonheur ! Merci d’être venu me surprendre en flagrant délire d’élucubration. Merci du copeau, merci si tu m’aimes, merci de tout et de bien autre chose encore. Merci, je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 308
Transcription de Guy Rosa