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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 avril 1843, lundi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto adoré, bonjour le bien-aimé de mon âme, bonjour je t’aime, aime-moi aussi un peu mon pauvre adoré, ce ne sera que justice. Pense à moi je le sentirai d’ici et cela me fera du bien. Embrasse pour moi tes chers petits goistapioux mâle et femelle. Je te le rendrai au centuple.
J’ai lu ce triste et infâme article. Je suis plus embarrassée que jamais pour en désigner l’auteur. C’est trop bête et trop maladroitement dangereux pour croire que c’est H [1] mais je voudrais bien le connaître ne fût-cea que pour savoir sur qui jeterb mon dégoût et mon mépris. Je n’ai jamais rien lu de plus bête et de plus impuissamment malveillant. Mais c’est trop s’occuper de pareilles immondices, c’est bien trop de les respirer un moment.
Mme Franque te fait faire un million de remerciements pour elle et pour Mme Suquet ; elle est dans le ravissement d’aller ce soir r’entendre Les Burgraves. Je comprends et je partage sa joie. C’est toujours une nouvelle fête pour moi quand j’assiste à ces représentations quelque incomplètesc qu’elles soient. C’est si admirablement beau que le jeu des acteurs ne peut rien y ajouter ni y rien retrancher. Je t’admire mon Victor mais je t’aime autant. Ma pauvre péronnelle est dans le ravissement de la pensée de revoir ces bons Burgraves. Tout le monde est dans la joie autour de moi jusqu’à cette pauvre Suzanne qui croit qu’elle aura la loge du centre comme d’habitude pour y aller avec Marion : je ne veux pas lui ôter son espoir mais je crains que tu n’aies pas songé à lui en conserver une, moi-même je l’ai oubliée hier au soir. J’en serai doublement fâchéed parce que outre le désappointement de cette pauvre servarde, il y aura celui de Marion à qui j’avais promis de faire voir la pièce et qui ne peut y aller que lorsque sa maîtresse n’est pas chez elle. Enfin ce sera fort triste mais qu’y faire ? Tu verras quand tu viendras tantôt, car j’espère que tu viendras, ce qu’il y aura à faire pour concilier leur curiosité et l’absence de billets. En attendant, mon cher petit, je t’aime et t’embrasse de toute mon âme. Pense à moi et aime-moi. Je te fais préparer à souper dans l’espoir que tu le mangeras. Sous ce prétexte même ma serventre ne revient pas du marché ce qui ne me dispose pas à une grande pâtée pour ce soir. Je n’ai jamais vu de fille plus flâneuse que cette créature. Dieu soit loué la voici enfin ! Je finis mes doléances et mes imprécations par un redoublement de baisers sur ta charmante petite carcasse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 37-38
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « fusse »
b) « jeté »
c) « quelques incomplettes »
d) « fachée »

Notes

[1À élucider.

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