Guernesey, 12 juillet 1860, jeudi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon cher adoré ; bonjour, amour, santé, bonheur et le RESTE s’il en est qui ne soit pas compris dans ces trois ardents souhaits de mon cœur. Il y a un mois à ce moment-ci de la journée je n’avais plus que quelques heures à rester auprès de toi et je me souviens de l’affreux serrement de cœur que j’éprouvais à l’approche de cette séparation en apparence si facile et si courte et pour laquelle j’ai autant souffert que si elle avait dû être éternelle pendant cette longue journée d’attente et de retard inexplicable [1]. Aussi, mon cher adoré, quoi qu’il arrive maintenant, je ne me séparerai plus de toi à moins qu’il ne s’agisse de te sauver la vie ou la liberté [2]. Ceci est bien entendu entre nos deux âmes, n’est ce pas mon cher bien-aimé ?
Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre ce qui prouverait que tu dors encore ce dont je t’approuve en dépit de toi-même. Il est évident que la nature ne se trompe pas et que si elle prend du sommeil plus que ton activité surhumaine ne le voudrait c’est que ton pauvre corps en a besoin. Qu’elle soit bénie de cette prévoyance, cette bonne mère nature, dussiez-vous en BISQUER tout votre saoula. En attendant, je doute qu’il m’arrive aujourd’hui une surprise pareille à celle d’hier car les Patourel ne pullulent pas et surtout ne sont pas tous aussi excentriquement mauvais et galants. Sur ce, je vous baise ardemment.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 182
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « soul ».