Paris, 12 octobre [18]77, vendredi midi, 11 h.
Très sérieusement, mon cher bien-aimé, je suis effrayée du formidable succès de ton livre [1] qui, en même temps que l’admiration enthousiaste qu’il excite dans le public, excite en même temps aussi la curiosité de ta personne ; ce qui n’est pas sans danger ce soir où on sait que tu présideras le comité Grévy au gymnase Paz [2]. La pensée que la foule emportée et délirante d’amour pour toi peut amener un accident terrible dont tu serais la première victime me trouble jusqu’au fond du cœur et je serai la plus tourmentée et la plus malheureuse des femmes jusqu’à ton retour [3]. Peut-être que si j’étais là je serais tout de suite rassurée mais à distance je t’assure que c’est très inquiétant malgré la présence de tes nombreux amis et leur dévouement absolu, surtout celui du bon et brave Lesclide et de Pierre Elzéar. Je voudrais être à demain et plus loin encore pour n’avoir plus à songer à ces tristes et alarmantes éventualités dont mon amour, hélas ! ne peut pas te garantir.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 277
Transcription de Guy Rosa