Guernesey 22 avril [18]70, vendredi matin, 6 h.
Cher bien-aimé adoré, je t’envoie mon bonjour le plus tendre et le plus attendri aussi. Je ne sais pas bien dire mais je te vénère autant que je t’admire et je t’adore comme un être sublimement bon et divin. Tu as raison de vouloir que rien ne se mette entre nos deux âmes, pas plus les hommes que les choses. Quant à moi, je sens que je ne fais qu’un avec toi humainement dans ce monde et par l’aspiration du ciel. Je t’aime de tous les amours à la fois je t’aime, je t’aime, je t’aime. J’espère que tu as bien dormi toute la nuit. Quant à moi je l’ai passée courte et bonne. J’étais réveillée avant le coup de canon de cinq heures [1]. Mais je n’ai pas encore ouvert mes fenêtres à cause du brouillard. Dès qu’il sera un peu moins épais j’y mettrai toutes voiles dehors. En attendant je te gribouille tant bien que mal ma chère petite restitus et je t’envoie toutes les gouttes de roséea sous forme de baisers.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 113
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « rosées ».