Guernesey 20 mars [18]70, dimanche 7 h. 1⁄2 du m[atin]
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, comment as-tu passé la nuit ? Bonne, je l’espère. Moi très bonne aussi et je dormirais même encore, peut-être, sans l’activité bruyante de MES FEMMES qui se dépêchent de bâcler leur ouvrage pour aller à la messe ce matin. Loin de les empêcher je m’y prête au contraire de mon mieux puisque cela les amuse. D’ailleurs il fait un temps charmant ce matin dont elles profiteront mieux que de l’oremus [1]. Malheureusement je crains que ces agaceries aimables du soleil ne soient pas très sincères et que nous n’ayons bientôt quelques vilaines rebuffades de ce même soleil qui luit et luizerne [2] dans ce moment- ci. Cependant c’est demain l’échéance du printemps, qui doit chasser l’hiver, si on en croit la chanson de Robert Macaire [3]. En attendant je t’aime avec toute la sève de mon cœur et de mon âme.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 79
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette