9 décembre [1836], vendredi soir, 7 h. 10 m[inutes]
Mon cher petit homme, je suis bien touchée de la peine que tu as prise d’aller chez JOLY dans l’intention de donner un spectaque [1] de plus à ma Clairette [2]. Je lui ai dit cette nouvelle bonté de ta part, elle y a paru très sensible. Décidément cette pauvre petite n’est pas aussi déflorée que je le craignais d’abord.
Je vous aime, vous saurez cela, et puis je vous suis très fidèle, vous saurez encore cela. Vous saurez en outre que je suis peignée, brossée et lavée, ce qui n’est pas malheureux à cette heure-ci.
Je voudrais bien aller voir le célèbre N… [3] pour lui demander sa veste MODÈLE et ensuite pour la prier de me finir votre cher petit portrait pour mes étrennes. Vous seriez bien gentil si vous m’y conduisiez demain.
Depuis quelques jours je me sens une douleur assez vive à la poitrine. Décidément je suis une vielle [4] femme et vous devriez me faire taire chaque fois que j’ouvre la bouche. Cela m’empêcherait de dire une foule innombrable de bêtises et cela me guérirait infailliblement. Essayez ALLEZ TAISEZ VOUS VIELLE FEMME. Très bien. Mais je ne me tais pas du tout, attendu que j’ai une quantité de choses plus importantes les uns que les autres à vous dire. Et je prévois que dussé-je ne jamais me reposer et vivre éternellement, je n’aurais jamais fini. Ainsi jugez du peu !
Je vous aime, je vous aime, je vous aime…quand je vous le disais que cela ne finirait pas. Eh bien je VOUS AIME, tiens, cela m’est bien permis peut-être puisque je vous aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16328, f. 223-224
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette