Guernesey, 19 septembre 1860, mercredi matin, 6 h. ¼
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour. Ne te réveille pas ; surtout ne te lève pas, fût-cea même pour conduire Mme Lucas [1] au bateau, car il est peu probable que cette madame s’en aille ce matin, le brouillard étant plus que suffisant pour motiver sa poltronnerie de convention. Je te conseille donc, mon cher petit homme, de rester tranquillement dans ton dodo et d’y dormir le plus que tu pourras. Quant à moi, je prêche d’exemple en restant dans le mien jusqu’au déjeuner, non pour y dormir mais pour y reposer et me dorloterb un peu en lisant les journaux que tu m’as apportés. Du reste il serait très possible que je change d’avis aussitôt ma restitus finie si le temps m’encourage en se LEVANT lui-même et en sortant de son lit de nuages et de pluie. Il me semble que le soleil fait mine de s’étirer un peu et de montrer la mèche de son bonnet de coton aux humains. Quel bon tour il ferait à la mère LUCAS [2] ce matin en venant la chercher et la conduire de force jusqu’au Packet [3] [tout un passage effacé] mais je doute que cette ganache, je parle du soleil, saisisse l’à-propos ce matin et je ne crois pas que vous puissiez encore faire vos adieux aujourd’hui à cette JEUNE et belle EULALIE sur l’air : bon voyage madame du mollet [4]. Quant à moi je m’en fiche personnellement et j’assiste impossiblement à toutes ces fausses sorties [tout un passage effacé].
BnF, Mss, NAF 16381, f. 247
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « fusse ».
b) « dorlotter ».