16 septembre 1872

17 septembre 1872

Guernesey, 16 sept[embre] [18]72, lundi matin, 6 h. ½

Cher bien-aimé, j’ai déjà salué ton signal [1] de vingt et un coups de baisers ; c’est bien commencer ma journée j’espère ? Maintenant c’est à vous à répondre à ce salut militaire et maritime en assurant nos pavillons respectifs. Tout cela ne me dit pas comment tu as passé la nuit et si j’ai lieu d’être contente de toi à ce point de vue-là… et à tous les autres. Si j’en juge d’après la mienne, de nuit, il n’y a pas de quoi s’en vanter ni s’en réjouir car je l’ai passé blanche et agrémentée de toutes sortes de douleurs. Enfin puisque c’est passé, ça l’est, comme dit l’académique Suzarde, passons à autre chose. Il fait bien beau temps ce matin, ce qui me fait craindre pour notre bonne petite promenade tantôt à cause du proverbe d’automne qui dit que : pluie du matin réjouit le pèlerin [2], par conséquent l’inverse^a doit le chagriner, ce même pèlerin. Je serais très disposée à m’en ficher si j’étais sûre que la voiture serait remplacée^b par la lecture, j’aimerais mieux cela de beaucoup, même. Mais si le bonheur de la journée se multiplie par zéro, zéro, zéro, plus zéro alors : j’a pas contente et même je bisque à fond de cale et je me roule sur moi-même à l’instar de Petite Jeanne que j’éprouve le besoin de manger… de caresses et vous aussi ce matin. Que c’est beau, que c’est^c adorable, que c’est charmant et poignant et empoignant, bon terrible, grand et sublime La Grand-mère [3] !!!