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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 décembre [1835], vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon cher petit chéri Toto, bonjour, mon amour, comment vous trouvez-vous ce matin ? Et où êtes-vous à l’heure qu’il est, mon cher petit coureur ? Il est très possible que vous soyez déjà sur la voie publique tandis que votre Juju est dans son lit en vous attendant mais en ne vous espérant pas. Il y a trop longtemps que je suis dans cette attitude pour n’avoir pas perdu l’espérance. Cette phrase que vous voyez effacée, je vous en expliquerai la raison à vous-même parce qu’il ne serait pas séant de vous l’écrire.
Vous savez, mon cher petit bijou d’homme, que je vous aime de toutes mes forces, que je vous le dis nuit et jour, présent ou absent, et le plus souvent absent ? Vous savez que je supporterai tout, excepté votre refroidissement dont la seule pensée me fait fuir à l’autre bout de la terre ? Mais ce que vous ne savez pas, mon cher bien-aimé, c’est que je suis triste au fond du cœur et que je fais tous mes efforts pour vous le cacher, pour ne pas vous ennuyer. Mais je suis triste et je souffre de votre absence qui est devenue pour vous une habitude de tous les jours et de tous les instants. N’importe, mon cher petit Toto, je serai calme et résignée quand vous viendrez, si vous venez. Et j’aurai de l’amour sur les lèvres à la place de reproche, de l’amour dans les yeux pour cacher mes larmes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 258-259
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


25 décembre [1835], vendredi soir, 9 h.

Mon cher bien-aimé, Mme Lanvin ne fait que partir à présent parce qu’elle a attendu qu’on vienne la chercher, ce qu’on n’a pas faita.
Me voici encore une fois seule. Dieu m’est témoin que je ne me plaindrais pas de cette solitude si j’étais sûre de te voir aux heures accoutumées. Et si tu devais mangerb le dîner que j’aurais préparé, je ne regretterais ni mes mains salies et gercées, ni ma peine. Mais, hélas ! mon pauvre ange, tant d’heur ne m’est pas réservé. Il faut que je sois toujours seule même aux heures où j’avais le plus l’habitude de te voir, et il faut que je mange toute seule le dîner pour lequel je me suis sali et brûléc les mains. Voilà ce qui est triste et décourageant. Mais qu’importe. Je supporterai tout cela si tu m’aimes. Si tu m’aimes ? Car en vérité, plus je vis et plus je crois que tu te refroidis pour moi. J’en accuse les choses qui devraient me faire aimer davantage. Je crois que c’est parce que je suis toujours seule, et toujours négligée dans ma toilette. Je crois aussi que les besoins excessifs de ma position te fatiguent et te tourmentent. Enfin, je suis bien triste. Peu s’en faut que je ne sois bien découragée. Et cependant, je t’aime comme on aime au ciel.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 260-261
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « ce qu’on n’a pas fait ».
b) « tu devais mangé ».
c) « je me suis salie et brûlée ».

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