Guernesey, 4 novembre, [18]65, samedi matin, 7 h.
Bonjour, mon cher bien aimé. J’aime à croire que tu as bien dormi puisque ton signal [1] est déjà arboré à ton balcon. Quant à moi, ma franchise m’oblige à avouer que j’ai eu un pyrosisa monstre qui n’est pas encore passé. Je crois que c’est la suite du fameux mal de mer RENTRÉ qui sort en ce moment [2]. Mais que cela ne t’inquiète pas. Tu sais mieux que personne que ce mal hideux n’a aucune gravité. Il faut l’user voilà tout. J’espère que tu auras de bonnes nouvelles de l’astronomie aujourd’hui. Je ne parle pas de ton livre qui est allé aux étoiles d’un premier bond et qui n’est pas près d’en descendre [3]. Du reste, un vrai temps de demoiselle pour le packet [4] pendant la nuit et ce matin. Je suis bien contente cependant de n’avoir pas à en profiter pour mon compte, surtout en ce moment où j’ai le cœur sur les lèvres. Je voudrais bien que l’affaire Marquand fût arrangée à notre satisfaction, sinon à la sienne propre, ce qui me paraît presque impossible [5]. En attendant, je suis bien contente que tu te sois chargé de lui parler en mon lieu et place. De cette façon il sera difficile de m’attribuer aucun lapsus ni aucun mistakeb, ce que je redoute le plus au monde dans les tripotages de cancans. Heureusement que notre bonheur n’a rien à démêler avec cela et qu’il n’y a rien autre nos deux cœurs.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 165
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « pirhosis ».
b) « misteck ».