Guernesey, 16 novembre [18]68, lundi matin, 7 h. ¼
Bonjour, beau jour, bonne nuit, bon amour, et vous ? Vous voilà déjà à la besogne comme un enragé sublime que vous êtes pendant que je ronronne lâchement et paresseusement au fond de mon dodo. Ça n’est pas juste ; ce serait le contraire qui le serait ; mais il n’y a aucun moyen de vous faire entendre raison, du moins celle-là. Donc, je continue de me dorlotera outrageusement pendant que vous piochez comme un pauvre MALCENAIRE [1] ; et voilà comment vont les choses ici-bas. Cher adoré, je badine avec toi parce que j’espère que tu as passé une bonne nuit, parce que je t’aime et parce que je crois que tu me le rends. Toutes ces espérances, ajoutées à ma certitude, me font dans le cœur un soleil plus rayonnant et plus joyeux que celui qui brille si splendidement au ciel dans ce moment-ci. Il me semble que nous supportons assez bien l’absence du citoyen [illis.] depuis deux jours, quant à moi, du moins. Il est vrai que, tes enfants exceptés, moins il y a de personnes entre nous, plus je suis heureuse ; tout cela n’est pas une raison pour qu’il en soit de même pour toi. C’est que tu sais mieux que moi qui t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 315
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « me dorlotter ».