Guernesey, 11 juillet [18]68, samedi matin, 7 h. ½
Cher adoré, je t’envoie tout chauds, tout bouillantsa, mon bonjour et ma bonne nuit, l’un portant l’autre. J’espère que de ton côté tu as bien dormi et fait un peu la grasse matinée, ce qui ne serait que juste pour tant de patron-minettes pris aux dépensb de ton sommeil tous les matins. Je crois, cette fois, que le temps va se gâterc sérieusement. Loin de s’en plaindre, il y a lieu de s’en réjouir car la terre tournait à l’hydrophobie et les humains aussi. La question, c’est que cela ne dure que le temps d’un arrosement général. Le fâcheux pour nous serait un automne pluvieux surtout à Bruxelles. Mais n’anticipons pas comme dit Ménélas [1]. Il sera toujours temps de maugréer quand le mal se présentera. Il faudra que tu songes à donner l’ordre de m’envoyer d’avance ce que tu veux emporter, livres et hardes, afin que je sache quelle place tu tiendras dans ma malle, et puis encore pour me donner un peu plus de latitude cette année que les autres pour emboîter tes culottes avec les miennes. Shame, shame, shockingd. Yes. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 192
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tout chaud, tout bouillant ».
b) « au dépend ».
c) « ce gâter ».
d) « choking ».