21 décembre [1840], lundi soir, 8 h. ½
Tu sais, mon cher adoré, que ma pendule avance d’une heure juste ? Par conséquent il est sept heures et demie : j’ai Résisieux auprès de moi qui feuillette les images de La France pittoresque [1]. Mme Besancenot vient de venir pour me montrer JONAS mais à peine le petit scélérat a-t-il été entré qu’il s’est mis à poussera de si affreux cris que force a été de le redescendre tout de suite chez eux. Enfin j’ai dînéb, je suis débarbouillée, j’ai mis tout mon ménage en ordre et je suis toute prête à recommencer. Je compte que vous ne manquerez pas à votre promesse quoique vous ne soyez pas très coutumier du fait d’exactitude. Allons bon voilà Résisieux qui embellit mon griffonnage en faisant promener son volume sur l’encre encore mouillée. C’est vraiment dommage car j’écris bien. C’est une justice que je me rends à moi-même, je vais cependant copire tout à l’heure les notes [2] et je vais joliment m’appliquer. Je suis ravie de votre idée, mon Toto, de mettre notre peau de chevreuil [3] sur le lit. Je tiens à conserver le souvenir de notre charmant petit voyage à travers la Forêt-Noire. Tout ce qui me rappelle une heure passée avec toi me devient sacréc. C’est pour cela, mon adoré, que j’insiste tant pour emporter des diverses stations de notre voyage des petits souvenirs qui doivent devenir plus tard des reliques de notre bonheur passé. Je t’aime mon Toto, je t’aime mon adoré. Je voudrais donner ma vie pour toi, crois-le bien, mon Victor, car c’est la vérité la plus sainte et la plus sincère. Je baise tes chers petits pieds, je baise tes mains, tes cheveux et toute ton adorée petite personne.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16343, f. 257-258
Transcription de Chantal Brière
[Blewer]
a) « poussé ».
b) « dîner ».
c) « sacrée ».