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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 novembre [1840], mercredi, midi ½

Mon pauvre bien-aimé, je crains que tu ne sois bloqué chez toi sans parapluie et dans l’impossibilité de venir déjeuner. Tu pourrais cependant emprunter un parapluie à ton portier rien que le temps de venir déjeuner à la maison. Je suis très vexée. Mais te voilà.

3 h. ¼

Il fait beau à présent, mon amour, et vous avez un parapluie, mais je ne vous attends pas immédiatement comme tantôt. Il est même probable que je ne vous verrai que ce soir à minuit, ça n’est pas très grave et je ne m’en contente pas du tout. La mère de Mme Guérard sort d’ici. Je lui ai donné les 10 f. [d’]acompte. Il paraît que sa fille, Mme Guérard, est tombée sur le boulevard lundi et qu’elle s’est fort meurtrie. Elle a aussi de nouveaux chagrins de son mari et de sa famille, bref la mère Guérard m’a dit que sa fille était fort à plaindre et qu’elle viendrait aussitôt qu’elle le pourrait me conter ses douleurs. Voilà les nouvelles. Et puis je t’aime, et puis tu es la préoccupationa de toute ma vie. Voilà qui est bien vrai, plus je te vois plus je t’aime, plus je t’ai et plus je te désire, c’est pas ma faute. Jour Toto. Jour mon petit o. Papa est bien i. Et mon ONZIN [1] ? Et mon machin ? Et ma boîte à volets ? à voler ? à voléeb ? Hein ? Hein ? Hein ? Vous ne répondez pas vieux sournois mais vous gardez tout.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 151-152
Transcription de Chantal Brière

a) « préocupation ».
b) « vollée ».


11 novembre [1840], mercredi soir, 5 h. ¼

Quel temps, mon adoré, quel affreux temps. Où es-tu mon bien-aimé ? Que fais-tu ? Et quand te verrai-je ? Je suis triste comme un bonnet de nuit, il me semble que je ne t’ai pas vu depuis trois jours. Tu serais bien gentil si tu voulais ne pas courir la pluie ce soir et venir dîner au coin de mon feu avec du bon haricot de mouton qui bouillotte tout doucement en t’attendant. Claire joue à la poupée et lui enfonce des clousa dans la tête sous prétexte de lui faire tenir son bonnet. Moi je t’écris mais j’aimerais mieux te baiser. Je suis d’une humeur massacrante parce que j’ai manqué une grosse puce plus grosse qu’un bœuf, il est vrai qu’il faisait nuit et que j’avais un tas de choses dans la main mais c’est égal mon infaillibilité à l’endroit de la chasse aux puces est en défaut ce qui est humiliant pour une FAIBLE FEMME. Enfin je suis très à plaindre et si tu ne viens pas me redonner un peu de joie je donne ma démission de femme heureuse. Je ne comprends pas la nécessité de courir comme un fou sous la pluie et la grêle sous prétexte de travail. Ce serait bien plus raisonnable et bien plus charmant pour moi si vous vouliez borner vos excursions du pied de mon lit à la fenêtre et de la fenêtre au pied de mon lit. Mais vous êtes un scélérat qui n’entendez à rien et ne faites rien pour me faire plaisir. Ça ne m’empêche pas de vous adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 153-154
Transcription de Chantal Brière

a) « cloux ».

Notes

[1À élucider. La lecture n’est pas douteuse.

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