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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juin 1840

16 juin [1840], mardi matin, 9 h. ¼

Je t’écris tout de suite une grosse lettre, mon Toto, parce que j’ai à copier aujourd’hui et puis aussi parce que je ne sais pas comment je serai tantôt. Je souffre tant ce matin qu’il me semble que je ne pourrai pas aller le reste de la journée comme ça. Si cela continuait je serais forcée de faire venir le médecin. En attendant je vais tâcher de reprendre courage et copier tes manuscrits aujourd’hui avant que je ne tombe malade tout à fait. Je ne vois pas paraître notre voyage à l’horizon, c’est peut-être ça qui est cause que je souffre tant. Je suis sûre que si tu venais me dire que nous partons demain soir pour de bon mon mal de reins s’en irait subitement. Malheureusement c’est un remède que tu ne m’appliqueras pas de sitôt et je cours grand risque de crever auparavant pourvu que mon mal soit un peu pressé. Enfin voilà à la grâce de Dieu et de Toto. Je vous attendrai pour déjeuner, mon pauvre amour, mais j’ai bien peur que vous ne veniez pas. Il est probable que Benard vous fera déjeuner avec lui et vous retiendra indéfiniment peut-être jusqu’à demain qui sait l’HASARD. Cette perspective ne me rend pas gaie ni bien gaillarde, je vous assure.
Je n’écris pas au Dabat parce que je n’ai pas le dessin de tes souliers et que je ne sais pas ce que c’est, dès que tu me l’auras donné je le ferai venir. J’ai mis l’argent de la penaillon de côté pour demain, j’ai payé le blanchisseur, je suis au pair avec Suzanne et j’ai deux ou trois sous de veloursa courant les uns après les autres, voilà ma position financière et morale. Je vous aime Toto. Je vous adore mon petit homme. Je crois que je me porterais mieux si vous veniez déjeuner et je suis sûre que je me porterais bien si nous devions passer la journée ensemble sur un chemin quelconque, celui des Metz [1] par exemple. Voime, voime, voime, il n’y a pas de danger alors car vous ne viendrez pas auparavant ce soir tard, si vous venez, ce dont je doute. Enfin, mon Toto, absent je te désire et je t’aime, présent je suis heureuse et je t’aime, tâche de venir bientôt.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 213-214
Transcription de Chantal Brière

a) « velour ».

Notes

[1Petit village où Hugo installa Juliette et sa fille durant les étés 1834 et 1835 alors qu’il séjournait lui-même en famille chez les Bertin aux Roches près de Bièvres.

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