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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 juin 1840

14 juin [1840], dimanche après-midi, 1 h. ½

Mon cher petit bien-aimé, vous êtes très bon, très i et je vous aime. Je suis seulement fâchée que vous soyez si sensible des entrailles et que vous ne puissiez pas entendre crier le moindre de vos enfants sans verser des torrents de larmes. Une autre foisa j’épargnerai vos trop sensibles boyaux et je vous ferai dîner sur le devant de ma maison. À propos de devant, ma voisine a montré le sien tout à l’heure avec tous les accessoires et de tous les côtés, avec une frénésie digne d’un meilleur sort car elle n’avait que Suzanne et moi pour spectateurs ce qui lui constituait un médiocre succès. J’ai regretté que vous n’y soyezb pasc beaucoup de giflesd, beaucoup de giflesd sur votre museau. Baisez-moi vieux scélérat et tâchez d’être moins pressé de vous lever demain parce que ça ne m’arrange pas. Mon Dieu quel beau temps il fait et que c’est bête de rester chez soi toute seule par une si bonne chaleur. Je bisque, je rage, je mange du fromage et toutes les herbes qui font rager une pauvre femme séparée de son Toto. Pour m’amuser je vais découdre aujourd’hui la fameuse robe brodée, je tâcherai aussi de finir mes tabliers afin de me mettre à copier demain sans démarrer. Baisez-moi vieux Toto et menez-moi à Hernani [1] la prochaine fois qu’on le donnera. J’ai les plus mauvaises plumes du monde, je ne peux ni écrire ni gribouiller mais comme il fait trop chaud pour les tailler je m’en sers comme ça tant pire. Ouf ! Qu’il fait chaud. MES CAISSES. Ce serait le cas où jamais ou bien encore : « Quels affreux toits ! Quel stupide architecte ! Il paraît qu’on mettra des tuyaux de poêle dans les cours intérieures, ça sera hideux et si on n’en met pas il fera chaud l’hiver dans ce grand bâtiment. » Moi je dis que je vous aime et que je vous aime et que je vous aimerai toute ma vie de toute mon âme et que le reste m’est égal comme deux 00e. Voilà mon système.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 209-210
Transcription de Chantal Brière

a) « autrefois ».
b) « soyiez ». Le mot est écrit en surimpression d’une première version « fussiez ».
c) Juliette dessine un tableau composé de huit cases, soit quatre colonnes sur deux lignes. Dans chaque case elle écrit le mot « voime ». La répétition « beaucoup de gifles » est dans le prolongement des lignes du tableau.

© Bibliothèque Nationale de France

d) « giffles ».
e) Il s’agit du dessin de deux œufs.

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1Reprise au Théâtre-Français.

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