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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 septembre [1836], vendredi après-midi, 5 h. ¾

Ne vois-tu pas que je t’aime, mon Victor adoré, dans tout ce que je te dis ? Si je suis folle, si je suis jalouse, et même si je [suis] stupide, c’est à mon amour que je le dois. Mon cher bien-aimé, ma vie, ma joie, car après tout tu es la seule joie, le seul bonheur que j’ai eu au monde, je te demande pardon de tous les mauvais traitements que je te fais éprouver. Je t’aime, je suis heureuse ! Oui je suis heureuse. Tu es si bon, toi, si patient, si indulgent et par-dessus tout si adorable, que je t’aime et que je suis trop heureuse vraiment que tu daignes me rendre malheureuse. Va mon cher adoré, je me souviendrai toute ma vie de ton premier regard. Dès ce jour-là seulement j’ai été la plus heureuse des femmes.
Il fait déjà nuit. Je ne pense pas que nous puissions faire notre achat aujourd’hui. Cependant il faudra que nous sortions pour acheter quelque chose pour souper car je n’ose pas me fier à la réhabilitation de notre poisson.
Et puis je vous baise et puis je vous adore et puis vous êtes mon pauvre Toto bien chéri.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 302-303
Transcription de Nicole Savy


9 septembre [1836], vendredi soir, 7 h. ½

Nous faisons chacun de notre côté notre petit travail. Toi, tu composes un chef-d’œuvre, et moi je t’aime. Je crois modestie à part que mon œuvre ne sera pas inférieure à la vôtre mon grand poëte. Si vous avez du génie, moi j’ai de l’amour. Vous êtes et serez admiré de tous, et toujours. Moi je mets ma seule ambition à être aimée de vous tant que je vivrai. Pour cela je vous donne mon corps, ma vie, ma pensée et mon âme.
Tâchez mon cher petit rêveur de ne pas vous laissez surprendre par le froid.a
Je ne sais pas ce que je vous donnerai à souper. J’avais compté que nous irions chez le marchand de [comestibles  ?] et que nous prendrions deux ou trois côtelettesb, mais votre humeur vagabonde en ordonne autrement. Je désire que votre cher petit estomac se résigne aussi tranquillement que le mien à la maigreur du souper.
En vous attendant, mon cher petit Toto, je lis les journaux ou plutôt je pense à vous. Je vous aime, je vous désire, je vous plains d’être dans les rues par un si vilain temps. Et je réchauffe vos petits pieds avec mes baisers, je dorlotec toute votre chère petite personne en idée en attendant mieux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 304-305
Transcription de Nicole Savy

a) Ici une phrase barrée (incorrecte, et reprise sous une autre forme par la suite) mais très lisible : « Songez un peu à vos petits boyaux et ne les exposez aux injures du soir et de l’humidité. »
b) « côtellettes ».
c) « dorlotte ».

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