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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 juillet [1851], lundi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon pauvre sublime piocheur, bonjour. C’est aujourd’hui que commence la laborieuse semaine, Dieu veuille que tu n’en sortesa pas épuisé et malade. Je donnerais tout au monde pour que ce moment-là fût passé sans que tu en sois plus souffrant. J’aurais désiré assister à la séance dans laquelle tu parleras, comme je désirerais me trouver sur le champ de bataille ou tu combattrais, comme je désire être partout où tu es surtout quand il peut y avoir pour toi danger, souffrance ou ennui. Mais je sais que d’une part cela n’est pas possible et que d’autre part tu n’aimes pas à me savoir si près de toi quand tu dois parler. Je me résigne devant ces deux obstacles presque insurmontables, ne voulant pas d’ailleurs t’importuner et te gêner par mon exigeante sollicitude. Je resterai chez moi, mon pauvre bien-aimé, attendant que tu reviennesb de la bataille triomphant mais fatigué. Encore si tu pouvais d’ici là mettre à profit pour te reposer et te réconforter tout ce qui te reste de temps, tu aurais plus de force pour résister aux criailleries et aux vociférations de la droite mais tu n’en feras rien. Tu es d’une activité si dévorante qu’elle t’en fait oublier jusqu’au soin de ta vie. C’est bien triste pour moi qui l’ai de joie et de bonheur que dans ta santé. Cette nuit encore tu as veillé et travaillé jusqu’à plus d’une heure du matin. Mais à quoi bon toutes ces remarques dont tu ne peux tenir aucun compte, mon pauvre bien-aimé, poussé et excité comme tu l’es pas la plus admirable et la plus sublime abnégation de toi-même qui te force à te sacrifier dans l’intérêt général ? Il faut se résigner, t’admirer et t’aimer, c’est ce que je fais de toutes les forces de mon cœur et de mon âme. De ton côté, mon pauvre petit homme, ménage-toi tant que tu pourras pour ne pas arriver déjà épuisé au moment décisif. Je t’en prie à genoux.

Juliette

Leeds
BC MS 19c Drouet/1851/50
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « sorte ».
b) « revienne »

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